Prostitution : « Le client est complice du système »

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Le Mouvement du Nid lance une campagne de sensibilisation pour faire prendre conscience à l’opinion publique de la réalité de la prostitution.

Une campagne d’affichage

Jusqu’au 19 novembre, 66 panneaux d’affichage du centre-ville de Caen diffusent l’image ci-dessus. Le message véhiculé par cette photo prise sur la Presqu’île de Caen est sans ambiguïté : Lorsqu’un client achète du sexe à une personne prostituée, il se fait le complice d’une violence faite à la dignité humaine, participe à la traite des être humains, et finance les mafias, expliquent Nicole Gauer et Thierry Profit, membres de la délégation calvadosienne du Mouvement du Nid, qui militent pour la pénalisation des clients de la prostitution. Sans demande, il n’y aurait pas d’offre.

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Une loi en sommeil

Le Mouvement du Nid, par cette campagne de sensibilisation, entend également éviter que la proposition de loi « visant à lutter contre le système prostitutionnel » ne soit enterrée. Ce texte prévoit notamment une amende de 1.500 euros pour les clients, mais aussi la fin du racolage passif pour les prostituées, ainsi qu’une autorisation provisoire de séjour de 6 mois pour toute personne engagée dans une démarche de sortie de la prostitution. Adopté en première lecture par l’Assemblée nationale en décembre 2013, le projet ne figure toujours pas au calendrier du Sénat. Une commission sénatoriale a même pris une résolution de ne pas pénaliser le client, s’insurge Thierry Profit. La délégation départementale du Mouvement du Nid a écrit aux trois sénateurs récemment dans le Calvados (Jean-Léonce Dupont, vice-président du Sénat, Pascal Allizard et François Aubey). Sans réponse pour l’instant.

Ce projet de loi, porté par le Ministère des Droits de la femme, affirme la position abolitionniste de la France. Contrairement à d’autres pays, la France affirme sa volonté de lutter contre le système prostitutionnel. En Allemagne ou aux Pays-Bas, la prostitution est admise et réglementée, à travers les maisons closes, explique Thierry Profit. Mais là-bas aussi, il commence à y voir une prise de conscience du système mafieux qui organise la prostitution.

Chaque semaine, à la rencontre des filles

Une fois par semaine, à la nuit tombée, les membres du Mouvement du Nid se rendent sur la Presqu’île, à la rencontre des prostituées, qu’elles soient piétonnes ou en camionnette. Nous y allons toujours par deux, précise Nicole Gauer. Au fil des semaines, et malgré la barrière de la langue, la confiance s’instaure entre les bénévoles et les prostituées. Elles commencent par baisser la vitre, on parle de tout et de rien, décrit Thierry Profit. Puis, le dialogue s’installe progressivement. elles nous parlent d’elles, de leurs enfants, parfois restés au pays. Si elles savent que leur proxénète, ou un intermédiaire, les surveillent, les filles ne se livrent pas. On sent leur présence, souligne le membre du bureau du Nid. Mais parfois, elles s’épanchent et racontent leurs difficultés à se soigner, à se loger, ou à trouver un “vrai” travail pour sortir de la prostitution. Certaines sont femmes de chambre dans des hôtels, dévoile Nicole Gauer. En 10 ans, nous avons réussi à faire sortir deux filles de la prostitution. L’une d’elles avait été amenée en France par son petit ami. Aujourd’hui, elle travaille.

Débat, formation, prévention

Outre la campagne d’affichage en centre-ville, l’action de sensibilisation du Mouvement du Nid est marquée par une soirée ciné-débat (jeudi 20 novembre, 19h, amphi Tocqueville, Campus I de l’Université). La projection du documentaire “L’imposture – La prostitution mise à nue”, d’Eve Lamont, sera suivie de l’intervention de Laurence Noëlle, une “survivante” de la prostitution.
Jeudi 27 novembre (14h, salle Montessori, site de la Canopé, 21 rue du Moulin-au-Roy, Caen), journée de formation destinée aux professionnels en contact avec les personnes prostituées.