Les bureaux de Dieu

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En 2008, le Planning familial fêtait ses 50 ans. Les Bureaux de Dieu, film de Claire Simon, se veut un hommage à celles et ceux, travailleurs sociaux et médecins qui y écoutent et y conseillent les femmes. Hommage bienvenu au moment où certains centres, comme celui de Marseille, se voient dans l’obligation de fermer leurs portes faute de subventions, mais qui nous laisse sur notre faim.

Fascinée par les histoires singulières se racontent dans les bureaux du planning, Claire Simon a construit une œuvre hybride, faux documentaire et vraie fiction. Réalisé à partir d’entretiens enregistrés dans différents centres en France, Les Bureaux de Dieu recrée ces différents face-à-face entre les femmes venues demander aide et conseils (jouées par des actrices amateurs) et les « écoutantes » (interprétées par des comédiennes connues) en de longs plans séquences successifs qui laissent l’échange s’installer.

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L’intérêt de ce dispositif est de valoriser un espace d’écoute et de compétences où la parole est reine, où chaque femme se constitue comme un sujet. Si, aujourd’hui, la législation accorde aux femmes la liberté de choix en matière de contraception et d’avortement, le film montre qu’elle n’épuise pas pour autant les interrogations touchant à la sexualité et au désir d’enfant. Chaque entretien laisse des questions en suspens. Et la beauté de ce docu-fiction est de saisir ces femmes à un moment clé de leur vie, sur le fil d’une décision qui va changer leur existence.

Il n’empêche que, malgré ses qualités, le dispositif finit par lasser. Essentiellement parce que le film pèche par son absence de point de vue, son manque de regard critique. C’est un constat social, certes juste et sincère, mais qui ne débouche sur aucun questionnement (on peut également regretter, par ailleurs, que le film, exclusivement centré sur la maternité et le désir d’enfant, ne fasse aucune allusion au sida et aux maladies sexuellement transmissibles par exemple).

Mais surtout, en se cantonnant au registre de l’émotion, les Bureaux de Dieu génère peu à peu l’ennui et parfois l’agacement. Car sous prétexte de montrer la « diversité culturelle », la réalisatrice n’évite pas les poncifs : l’Italienne qui ne sait si elle enceinte de son mari ou de son amant crie et se lamente, en bonne Méditerranéenne extravertie, dans un registre proche de la Commedia d’el Arte ; les jeunes filles d’origine algérienne, elles, y vont de leur couplet sur l’Algérie bien pour faire la fête mais invivable pour les femmes et de leurs mères qui les tueraient si elles apprenaient que leurs filles prennent la pilule. Et, bien sùr, le jeune homme violent qui veut vérifier la virginité de sa fiancée est arabe, forcément arabe.

Enfin le film se clôt sur un récit d’une prostituée bulgare, jouée par une actrice au visage de madone. Chaque fois qu’elle a des rapports sexuels (sans préservatifs) avec le client dont elle est amoureuse — soit une fois par an — elle tombe enceinte (et, chaque fois, elle est condamnée à avorter, faute de pouvoir élever cet enfant).

Claire Simon filme ce personnage comme une icône, sorte de Marie-Madeleine moderne (la métaphore religieuse est décidément très présente) dont l’histoire, présentée comme romanesque, suscite l’admiration de l’écoutante, jouée par Rachida Brakni et, par là même, celle du spectateur.

Drôle de conclusion pour un film sur les droits des femmes et l’éducation à la sexualité. Pour son 50e anniversaire, le Planning familial méritait mieux que cet hommage ambigu, empreint de bons sentiments.