Les choses sont-elles en train de bouger en Europe ? La commission des droits des femmes du Parlement européen recommande le modèle abolitionniste, alors qu’en Allemagne et en Suisse, des médias révèlent l’enfer du décor réglementariste.
La commission des droits des femmes et de l’égalité des genres (FEMM) du Parlement européen a adopté, le 27 juin, un rapport élaboré par l’eurodéputée Maria Noichl portant sur la réglementation de la prostitution au sein de l’Union européenne. Un texte qui recommande l’adoption du modèle abolitionniste, qui dépénalise totalement les personnes en situation de prostitution et pénalise les « clients » prostitueurs.
Sans ambiguité, le rapport affirme que la prostitution, son exploitation, et le trafic d’êtres humains à fin d’exploitation sexuelle sont des formes de violence fondée sur le genre, et donc une violation des droits des femmes et de la dignité humaine, et constituent un problème transfrontalier.
Le texte pointe notamment du doigt les politiques de libéralisation du commerce du sexe pratiquées par l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suisse.
Le bordel de l’Europe
Dans le même temps, le magazine « Der Spiegel » en Allemagne, qui avait déjà titré il y a une dizaine d’années « Bordell Deutschland », réitère sa dénonciation du modèle allemand. Cette fois-ci, la couverture dit : un jour, nous aurons honte (1)https://archive.is/Ljr8Y . Dans cet article, on apprend que les femmes qui « travaillent » dans les bordels allemands, plus de 250 000, n’ont quasiment aucuns droits : ni assurance maladie, ni contrats de travail…alors que seulement 23500 sont déclarées.
Une étude – la seule réalisée- sur la violence dans l’industrie du sexe allemande révèle que 41% ont été victimes de coups et blessures (os cassés, blessures au visages, machoires brisées, etc.), de la part des prostitueurs et des proxénètes, explique le journal.
Tout le monde, police en tête, reconnaît que la plupart sont des victimes de traite des êtres humains. « Nous manquons de personnel pour mener des enquêtes approfondies comme nous l’avons fait avec la maison close Paradise. 3 femmes sur 4 sont forcées. Nous devons réduire la demande et criminaliser les acheteurs de sexe » explique Peter Holzwarth, enquêteur criminel, cité dans Les Nouvelles News. Les -rares- poursuites envers des « clients » pour achat d’acte sexuel auprès de victime de traite n’aboutissent jamais à des condamnations.
C’est ainsi que le député social-démocrate Leni Brenmayer affirme « le temps viendra où nous, en Allemagne, aurons honte de ce que nous avons fait à ces jeunes femmes venues de l’Europe de l’Est” (…) C’est l’esclavage des temps modernes”.
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En Suisse aussi
En Suisse, c’est le journal , dans le journal « SonntagsZeitung »(2) https://www.tagesanzeiger.ch/kein-anderer-job-macht-menschen-so-kaputt-137284661147
qui révèle que la libéralisation du commerce du sexe n’a pas amélioré la situation des femmes, bien au contraire, dans un article titré : « Aucun autre « travail » ne détruit à ce point les personnes »..
Le journal s’appuie notamment sur le rapport européen qui affirme que « la grande majorité des prostituées n’exercent pas leur activité de leur plein gré, beaucoup subissent des atteintes physiques et psychiques importantes et luttent encore des années plus tard contre des traumatismes subis ».
Le journal souligne également que «la catégorisation même de l’activité comme travail du sexe » augmente le nombre de victimes.
Selon Europol, qui constate que les 2/3 de la traite d’êtres humains sont à des fins d’exploitation sexuelle, « il est plus facile pour les trafiquants d’êtres humains d’opérer dans les pays où la prostitution est légale et ainsi exploiter leurs victimes », note encore le journal.
Pour l’instant, le Conseil fédéral suisse refuse toute modification de la loi, estimant que les « travailleuses du sexe » seraient encore plus en danger en cas « d’interdiction du commerce du sexe »… contrairement à ce que tous les faits accumulés depuis 20 ans démontrent…
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