Reconstruire « un droit pénal clair, adapté aux normes contemporaines ». C’est l’objet de l’avant-projet de loi qui prévoit en Belgique la réforme du droit pénal sexuel. Si des progrès y sont indéniables, les choix concernant le « travail du sexe », légitimé et normalisé, ouvrent clairement la voie à une politique réglementariste.
Le Code pénal belge date de 1867. Non seulement les mots sont datés mais les valeurs aujourd’hui centrales, comme la lutte contre les violences sexuelles et la nécessité du consentement, seront davantage reconnues si la réforme est adoptée, comme cela ne fait guère de doute.
L’ancien attentat à la pudeur serait désormais remplacé par « l’atteinte à l’intégrité sexuelle » et les peines seraient plus sévères en matière de viol. Des circonstances aggravantes seraient introduites, par exemple en cas d’inceste, d’acte de violence sexuelle commis par un partenaire, de faits commis par une personne en situation d’autorité ou si la victime a moins de 14 ans ou se trouve en situation vulnérable.
Le proxénétisme reconnu
Mais, au nom du fait qu’existe aujourd’hui « une certaine tolérance à l’égard du ‘travail du sexe’ » (sic), le texte prévoit de décriminaliser la prostitution pour les personnes majeures, et non plus seulement de la tolérer, afin de donner à celles et ceux qui l’exercent «reconnaissance et protection ». Il précise que « l’exploitation » de ces personnes demeure punissable, par exemple, en cas de traite des êtres humains ou dans le cas où des chambres leur seraient louées « à des prix prohibitifs ». En clair, le proxénétisme se voit pleinement reconnu en Belgique, avec un bémol de principe quant à ses « abus ».
Selon les associations se félicitant de cette reconnaissance, la réforme devrait permettre « de protéger les ‘travailleur·euse·s du sexe’ par un contrat de travail », entraîner la dépénalisation du racolage de rue et celle de la publicité pour les offres à caractère sexuel. Selon elles, la décriminalisation aurait également « des effets positifs sur les victimes de la traite des êtres humains » qui se sentiraient « moins empêchées de faire appel à la police ».
Un vœu pieux que démentent les exemples de pays comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, où tous ces « effets positifs » ont montré leur échec : contrats de travail inexistants, refus des personnes prostituées d’être répertoriées comme « travailleuses du sexe », montée de la criminalité, abandon à leur sort de la majorité des victimes de proxénétisme et de traite.
Mais l’essentiel, pour ces associations, est que le « marché » soit libéralisé, le projet étant, comme toujours, présenté comme un progrès pour les personnes concernées, qui échapperaient ainsi à la précarité.
Réaction des féministes abolitionnistes
Telle n’est pas l’opinion d’un nombre de plus en plus élevé d’opposant·es. « Faciliter la prostitution des mineurs, assimiler la prostitution à une mission d’intérêt public, affilier les proxénètes à la FEB… C’est en résumé ce qu’autorisera la réforme des incriminations du code pénal en matière « sexuelle ». Et c’est inacceptable», expliquent dans une tribune des membres de l’association Samilia qui lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains. « Aucune poursuite ne pourra plus être exercée si le profit est ‘dans la norme’. Dodo la Saumure, qui a plaidé en vain cet argument, se frotte les mains », ajoutent les signataires.
Elles déplorent la réduction à néant de trente ans de lutte contre la traite des êtres humains et le fait que même la prostitution de mineurs de 16 à 18 ans soit admise « s’il n’est pas démontré que proxénètes ou clients connaissaient l’état de minorité ».
Salutaire réaction. Car cette libéralisation croissante va entraîner la Belgique sur les chemins réglementaristes empruntés par certains de ses voisins européens, comme l’Allemagne, vite devenue « le bordel de l’Europe » .
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