« Clients » de mineures : des agresseurs sans états d’âme

37

« Clients » de mineur·es jugés à Paris. Elle avait 15 ans. Celle que la presse a appelée Mina a été prostituée par des proxénètes aussi jeunes qu’elle, en février 2022.

Pendant deux jours, des hommes se sont succédés dans l’appartement parisien où elle était séquestrée et l’ont violée l’un après l’autre. Elle avait bien tenté d’appeler à l’aide certains d’entre eux. Mais aucun n’avait réagi. Après tout, ils avaient payé…

Les 14 et 15 mai 2024, à 17 ans, l’adolescente a tenu à assister au procès de sept de ses tortionnaires devant la 15e chambre du tribunal judiciaire de Paris. Selon la description du Parisien , ces hommes âgés de 25 à 65 ans qui comparaissaient pour recours à la prostitution de mineure et pour trois d’entre eux pour non assistance à personne en danger, étaient aussi bien juriste, infirmier que chauffeur ouéducateur : des hommes lambda, des « clients » type, aveugles face à la personne qu’ils agressent sexuellement, incapables de la moindre empathie, de la moindre réflexion.

Annonce

L’annonce leur promettait une « jeune femme de 19 ans sans tabou ». Pourquoi chercher plus loin ? Certains d’entre eux ont évidemment juré qu’ils la pensaient majeure ; éternelle antienne qui n’a pas ébranlé la procureure, pour qui l’extrême jeunesse de la victime ne faisait aucun doute. (Rappelons que, même majeure, ils tombaient sous le coup de la loi de toute façon).

Le parcours de Mina est tout ce qu’il y a de plus classique… Mésentente avec les parents, fugue… ce qui l’a exposée aux rencontres qui tournent mal. Moins habituel, le profil des proxénètes ; des gamines de 13 à 17 ans qui empochaient 80 euros les vingt minutes ou 200 euros l’heure, sans oublier de la tabasser. Sans surprise, de très jeunes filles dont on apprendra lors de leur procès en avril 2024 qu’elles avaient elles-mêmes été victimes de proxénétisme et de viol collectif.

Une nouvelle audience se tiendra devant la Cour d’assises des mineures début 2025 pour juger notamment l’un des « clients », un chef d’entreprise poursuivi pour viol, pour avoir voulu filmer l’un des actes sexuels imposés à Mina. L’homme a déjà été condamné à 4 ans de prison dont 3 avec sursis avec obligation de soins pour agression sexuelle sur mineure. Prostitution et viols font décidément bon ménage…

Une impunité enfin remise en cause ?

L’impunité qui a toujours protégé les agresseurs sexuels de mineur.e.s, dont les « clients » sont bel et bien une catégorie centrale, serait elle enfin remise en cause ? On peut l’espérer. En avril 2024, onze prédateurs âgés de 25 à 60 ans étaient jugés à Valenciennes pour avoir imposé des relations sexuelles à une adolescente de 13 ans, qu’ils rencontraient via le site coco.fr.

La prise de conscience de la gravité des faits commence à gagner les esprits ; mais elle demeure lente ; le masque de l’argent fait encore obstruction, celui des mots aussi. Trop souvent, il suffit d’appeler « prostituée » une personne pour que les agressions qu’elle subit soient blanchies dans l’inconscient collectif. Sans versement d’argent, les hommes inculpés auraient été condamnés pour viol.

30 mois de prison ont été requis contre les « clients » de Mina. Jugement le 4 juin.

Article précédentAffaires porno : L’électrochoc
Article suivantEsther : « Dans la prostitution, je disais que j’avais le pouvoir »
Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.