COVID-19 : un révélateur des inégalités structurelles de la société

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La pandémie due au coronavirus a fragilisé encore davantage les femmes dans le commerce du sexe, tandis qu’elle a permis aux clients et aux proxénètes de tirer profit de leurs vulnérabilités, souligne l’article de « Prostitution Research », site tenu par Melissa Farley, psychologue et experte états-unienne du système prostitueur.

La pandémie de COVID-19 a aggravé la situation des femmes aux prises avec
l’industrie du sexe (prostitution, pornographie…), alors qu’elles sont déjà les plus vulnérables de la planète. Alors que la dureté de leurs conditions de vie (accès à l’hygiène, alimentation, logement) renforce les risques de contracter le COVID-19, ces femmes s’exposent encore davantage en poursuivant l’activité prostitutionnelle pour survivre. « La pauvreté nous tuera avant le coronavirus », a déclaré une Indienne qui est prostituée.

Dans les pays où la prostitution est légale, les personnes ne peuvent pas bénéficier de filets de protection sociale qui les protègeraient du COVID-19 ni d’aides pour leur permettre d’échapper à la prostitution ou de s’en s’extraire. 
Face à la baisse du nombre de « clients » prostitueurs au Cameroun, des femmes désespérées ont racolé dans les hôtels où étaient placés en quarantaine des Européens qui présentaient des symptômes  de la maladie.

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Outre la pauvreté, les femmes subissent le racisme qui est omniprésent dans la prostitution. « Les femmes de couleur sont surreprésentées dans la prostitution et elles sont également surreprésentées parmi les victimes de la COVID-19 aux Etats-Unis ». Elles se prostituent, faute de pouvoir de bénéficier d’autres sources de revenus.

Les prostitueurs amplifient leurs violences sur les femmes

Les clients ne se préoccupent nullement des risques encourus par les femmes ; bien au contraire, ils cherchent avant tout à tirer parti de la pandémie. Si certains sont excités sexuellement par le danger d’un contact intime, d’autres se plaignent de devoir réviser leurs exigences sexuelles à la baisse. Beaucoup se réjouissent de casser les prix : « Les putes ont besoin d’argent, donc elles le font pour moins d’argent afin d’avoir des clients ».

Les proxénètes exploitent la pandémie à des fins financières

La fermeture des établissements (clubs de strip-tease, salons de massage…) a favorisé l’explosion de la prostitution/ pornographie en ligne ou « webcamming ».

Vantant le privilège d’exercer à domicile, les proxénètes ont exploité, durant la pandémie, les femmes sans emploi qui ont découvert par la suite qu’elles n’avaient aucun contrôle sur l’utilisation et la revente de leurs images sur les sites pornographiques.

Une étude menée dans 9 pays montre que les femmes dont la prostitution faisait l’objet de tournages pornographiques présentaient des taux de stress post-traumatique nettement plus élevés que les femmes dont la prostitution n’était pas filmée.

En conclusion
La pandémie de coronavirus a mis en évidence l’incapacité de la prostitution légale et dépénalisée à protéger les femmes de la violence des proxénètes, des trafiquants et des acheteurs de sexe.  Cette crise sanitaire peut donc constituer une opportunité d’offrir aux femmes les plus vulnérables des services de soutien et de sortie de la prostitution :
soins de santé, revenu de base, logement sûr…
A plus large échelle, la prévention de la misère pourra réduire le nombre de femmes et de jeunes filles acculées à la prostitution et permettre de combattre le sexisme et le racisme inhérents à leur pauvreté.

Source: La prostitution, la traite des personnes et la pandémie de COVID-19 par Melissa Farley de l’organisme Prostitution Research & Education (printemps 2020)