Le PSOE, parti du président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, prépare une proposition de loi abolitionniste.
Le 40e congrès du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), en octobre 2021, a été l’occasion pour le chef du gouvernement Pedro Sanchez de relancer sa proposition d’abolition de la prostitution. Signe d’une évolution des mentalités dans un pays envahi par les « puticlubs » et leurs mafias, le projet, notamment son volet de pénalisation des « clients », a toutefois du chemin à faire pour convaincre l’allié Podemos et l’ensemble de la classe politique.
Pedro Sanchez a le mérite de la clarté : « la prostitution asservit les femmes ». En 2019, le manifeste publié lors de sa campagne électorale affirmait qu’elle constitue « un des aspects les plus cruels de la féminisation de la pauvreté et l’une des pires formes de violence faite aux femmes ». Deux ans plus tard, la presse espagnole rapporte que le PSOE travaille à une proposition de loi avec son aile gauche Podemos.
Si la prostitution a été décriminalisée en 1995, le proxénétisme, la traite d’êtres humains et la prostitution sur la voie publique sont poursuivis pénalement. Le nombre de personnes en situation de prostitution serait l’un des plus élevés d’Europe.
L’Espagne, au 3e rang mondial…
Estimé autour de 300.000, il comprendrait une majorité de femmes d’origine latino-américaine, d’Europe de l’Est et du Nigéria. Selon le ministère de l’Intérieur, 80% d’entre elles seraient victimes des trafiquants, une étude des Nations Unies de 2011 plaçant l’Espagne au 3e rang mondial pour l’étendue du « marché » de la prostitution derrière la Thaïlande et Porto Rico. Plus d’un homme sur trois serait « client » selon une enquête menée en 2009.
En mars 2021, un avant projet de loi proposait de criminaliser les patrons de maisons closes et de mettre en place un système d’aide aux personnes qui voudraient quitter l’activité. S’il n’est pas trop difficile de faire consensus sur ces points forts, la question épineuse reste celle des mesures à prendre en direction des clients prostitueurs. Pedro Sanchez et les socialistes souhaitent leur pénalisation sur le modèle suédois et français. Mais Podemos, qui fait partie du gouvernement de coalition, y est hostile et veut concentrer ses efforts sur la poursuite des trafiquants.
Le chemin est encore long, semble-t-il. Mais la déléguée à l’égalité du PSOE, Carmen Calvo, est formelle : « Nous avons fait passer des lois beaucoup plus difficiles. Celle ci sera votée. »
BON À SAVOIR : En Espagne, les bordels ont rouvert le 8 octobre dernier après 18 mois de fermeture. Ces dernières semaines, des militantes féministes dans plusieurs villes du pays ont manifesté pour l’abolition de la prostitution. Un grand mouvement également favorisé par la sortie du livre-manifeste d’une survivante de la prostitution, Amelia Tiganus, « la revuelta de las putas », dont vous retrouverez bientôt une recension dans les colonnes de notre revue.