Espagne : démantèlement d’un réseau trafiquant des hommes prostitués

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« Une première », selon la police espagnole : le 31 aoùt 2010, un réseau trafiquant exclusivement des hommes pour la prostitution, a été démantelé. Si cette « spécialisation » est inédite, les manières d’opérer des proxénétes ne différent pas de celles en usage pour la prostitution féminine…

Quatorze[Cinq arrestations supplémentaires ont eu lieu le 7 septembre.] hommes ont été arrêtés, concluant ainsi une enquête débutée six mois auparavant, en février 2010. Les présumés trafiquants, comme leurs victimes, sont pour la plupart brésiliens. Les victimes, dont le nombre est compris entre soixante et quatre-vingt, selon les estimations de la police, sont toutes des hommes, âgés d’une vingtaine d’années, originaires de l’état de Marahao dans le nord-est du Brésil[[Selon les informations rapportées par [The New-York Times du 31 aoùt 2010].]].

Au-delà de la spécificité de ce réseau, qui prostituait uniquement des hommes, la police a révélé des conditions similaires aux trafics de femmes pour la prostitution.

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Ainsi, la « clientèle » est la même : des hommes.

Les modalités de l’exploitation des victimes rejoignent aussi celles observées pour les personnes prostituées de sexe féminin :

Les hommes victimes du réseau ont été transportés du Brésil jusqu’en Espagne en passant par trois autres pays, où ils ont également été prostitués.

En Espagne, le réseau a dispersé ses victimes dans plusieurs bordels et percevait la moitié de leurs gains ; l’autre moitié était récupérée sous prétexte de divers « frais d’entretien » fantaisistes.

Certains parmi ces hommes ont été abusés par de fausses promesses d’emploi, d’autres savaient avant de partir qu’ils étaient destinés à l’exploitation sexuelle, mais sans se douter des conditions qu’ils endureraient. Mis à disposition des « clients » prostitueurs sept jours sur sept, de nuit comme de jour, ils étaient drogués et menacés de mort en cas d’insubordination.

Selon Karen Strauss[Citée par [AOL News, 1er septembre 2010.]], experte auprès de l’association Free the Slaves, spécialisée dans la lutte contre les trafics d’êtres humains, l’exploitation d’hommes dans la prostitution est rare, mais pas sans précédent. On imagine que cela n’arrive que dans des endroits comme la Thaïlande, mais c’est faux. L’industrie de la prostitution est immense, mondialisée, et ne fait que grossir. S’ils ne peuvent pas trouver de personnes sur place pour la prostitution, ils vont chercher ailleurs, presque toujours dans un pays pauvre.

Alors que l’enquête policière laisse place au travail de la justice, différentes sources affirment que certains de ces hommes victimes de trafic et de proxénétisme seront eux-mêmes mis en examen pour « travail illégal » et immigration clandestine.

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.