L’activité prostitutionnelle n’est pas en soi un facteur de risque d’infection au VIH Sida. Elle est en tout cas l’assurance de subir une surexposition aux violences. Telles sont les conclusions majeures du rapport de la Haute Autorité de Santé->État de santé des personnes en situation de prostitution et des travailleurs du sexe et identification des facteurs de vulnérabilité sanitaire publié le 11 avril 2016 et rédigé à partir des données nationales et internationales disponibles, c’est-à-dire insuffisantes…
En 2014, la Direction Générale de la Santé (DGS) a saisi la Haute Autorité de Santé (HAS) afin qu’elle réalise une étude sur les infections sexuellement transmissibles et les dommages sanitaires et psychologiques liés à l’activité prostitutionnelle : une demande qui fait suite au constat posé par [l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS)] en 2012.
La HAS a donc rendu son rapport intitulé Etat de santé des personnes en situation de prostitution et des travailleurs du sexe et indentification des facteurs de vulnérabilité sanitaire
. L’intitulé ménage la chèvre et le chou, parlant à la fois de personnes en situation de prostitution
et de travailleurs du sexe
. On peut s’en étonner (au minimum) de la part d’un organisme public relevant d’un Etat abolitionniste et lui rappeler que la terminologie du travail du sexe
fait référence à des politiques de libéralisation du proxénétisme et de professionnalisation de la prostitution, telles qu’elles existent chez certains de nos voisins européens, politiques clairement refusées par la France.
Une surexposition aux violences
On retiendra de ce rapport deux données essentielles : l’activité prostitutionnelle n’est pas en soi un facteur de risque d’infection au VIH Sida. Toutefois, plus la précarité économique, sociale et administrative des personnes concernées est importante, plus le risque d’infection par le VIH est élevé. Il serait en effet plus difficile à ces personnes d’imposer le port du préservatif à leurs « clients ». Rappelons à cet égard que le rapport de l’IGAS soulignait déjà la responsabilité majeure de ces derniers, porteurs d’un haut niveau de risque sexuel
pour le VIH et les IST, un sur cinq demandant un rapport sans préservatif.
Autre conclusion majeure, les personnes prostituées sont surexposées au risque de violence physique et verbale, en premier lieu celles qui exercent leur activité dans la rue. Or, elles ne portent que rarement plainte à la police et recourent faiblement aux soins d’un médecin. Celles qui passent par Internet, et qui sont donc isolées, sont exposées à des risques de violences spécifiques, en particulier psychologiques (chantage, sites de notations).
Il apparaît que les personnes en situation de prostitution manifestent par ailleurs une très forte consommation de tabac et de cannabis. Mais de nombreux points restent en suspens : le rapport affirme ne rien pouvoir conclure sur le plan de l’exposition à l’hépatite B et C, sur les troubles mentaux, sur le recours aux nouvelles drogues de synthèse… Il dit ainsi ne pas pouvoir déterminer si l’état de santé des personnes prostituées est plus dégradé que celui de la population générale en France !
En 2015, le Mouvement du Nid faisait connaître une enquête menée avec la société d’ingénierie sociale Psytel, ProstCost. Les dégâts causés par la prostitution aux personnes qui l’exercent y sont parfaitement lisibles : elles consomment ainsi 4,5 fois plus de médicaments que la population générale. Leur taux de suicide est douze fois plus élevé…
Un impact non identifié des politiques sur la prostitution
Pour ce qui est de l’impact des politiques menées par les Etats, même prudence : Aucune donnée scientifique permettant d’évaluer directement l’impact des différents cadres juridiques de l’activité prostitutionnelle en Europe n’a été identifiée
. On se demande alors pourquoi tant d’acteurs ont pu exprimer une telle hostilité à la nouvelle loi en avançant, jusqu’à l’obsession, le fait qu’elle nuirait à la santé et à la sécurité des personnes concernées.
Au final, le rapport de la HAS, qui défend la politique de réduction des risques, insiste, au nom de la santé publique, sur la nécessité de mener des actions de prévention des violences prostitutionnelles et d’améliorer la prise en charge des personnes qui en sont victimes.
Au contraire, la loi votée le 6 avril 2016 pourrait être l’outil qui manquait. En abrogeant le délit de racolage et en facilitant l’accès des personnes aux soins et à une véritable prise en charge sociale, n’a-t-elle pas toutes les chances de répondre à cet objectif ? Et comment mieux prévenir les violences prostitutionnelles à moyen et long terme qu’en mettant en place une politique globale qui s’attaque aussi à la « demande » ?