Allemagne : Une nouvelle étude sur les prostitueurs

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Dirigée par la psychologue américaine Melissa Farley, cette recherche constitue la dernière partie d’une étude sur les prostitueurs menée dans six pays (États-Unis, Cambodge, Angleterre, Inde, Écosse et Allemagne). Les entretiens avec 763 hommes (dont 96 allemands), de tout âge et de toute catégorie sociale, avaient pour objectif d’en savoir plus sur leurs comportements et motivations, et d’interroger au passage les politiques de légalisation.

L’analyse issue de leurs réponses vient d’être publiée par le groupe Prostitution Research & Education (PRE). Parmi les résultats les plus marquants, cette phrase d’un prostitueur, « c’est comme de prendre une tasse de café : quand vous avez fini, vous la jetez », illustre parfaitement leur manque d’empathie.

Comme l’a dit un autre : « Une fois que vous avez payé, vous pouvez lui faire tout ce que vous voulez. » Pour trois quarts d’entre eux, et particulièrement pour les hommes allemands, l’idée que la prostitution est un rempart contre le viol reste incroyablement vivace.

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Les femmes prostituées sont « inviolables » ; les « utiliser » les empêcherait de «violer une vraie femme». Et si beaucoup de ces hommes, dont la moitié disent choisir les femmes sur la base de stéréotypes raciaux ou ethniques, se disent conscients de la violence des proxénètes, cette donnée semble ne rien changer à leur comportement.

Enfin, il apparaît que les prostitueurs consommant fréquemment de la pornographie ont tendance à user davantage des «services» des femmes prostituées. Les plus grands utilisateurs tendraient même à commettre davantage de viols. À la question de savoir ce qui pourrait les dissuader de payer pour du sexe, la plupart ont admis qu’il faudrait qu’ils soient inscrits dans un registre des délinquants sexuels ou qu’ils écopent d’une condamnation pénale…

Deux événements à Berlin

prostitueursLa sortie du rapport a été l’occasion de deux événements organisés par PRE et SPACE International, soutenus par le Mouvement du Nid. Les deux se sont déroulés à Berlin, capitale d’un pays devenu « le bordel de l’Europe » depuis la loi de 2002 qui prétendait faire de la prostitution un métier comme un autre, et normalisait donc le proxénétisme comme business d’avenir. De nombreuses abolitionnistes allemandes s’y mobilisent aujourd’hui pour obtenir un changement de législation.

Le 8 novembre, les survivantes Rachel Moran (Irlande), Amelia Tiganus (Espagne) et Viktoria (Allemagne), accompagnées de Leni Breymaier (députée SPD) et de Melissa Farley, ont donné une conférence de presse près du Bundestag. Les Femen avaient saisi l’oc- casion pour brandir des ciseaux géants et appeler les passants masculins à faire don de leur pénis pour lutter contre la pauvreté, pendant qu’une banderole affichait cette sentence : «Quand une femme a faim, la chose à faire est de lui mettre dans la bouche de la nourriture, pas votre bite. »

Le lendemain, une conférence publique rassemblait une vingtaine d’intervenant·es et de survivantes (parmi elles, Alika Kinan (Argentine), Vednita Carter (États-Unis), Kajsa Ekis Ekman (Suède), Huschke Mau (Allemagne)…). « Existe-t-il une manière éthique ou humaine d’entretenir une industrie dont le produit principal est le viol et dont le consom- mateur principal est le violeur ? » a demandé Luba Fein, une abolitionniste israélienne.

Quant à Rachel Moran, elle a ironiquement remercié les prostitueurs allemands pour avoir donné au gouvernement allemand, dans ce rapport, « les munitions dont il a besoin pour mettre fin au commerce du sexe. »

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