Le 28 septembre 2016, Equality Now, la Coalition Against Trafficking in Women (CATW), le Lobby Européen des Femmes (EWL) et la Coalition pour l’Abolition de la Prostitution (CAP international) adressaient une lettre commune d’alerte au Comité chargé de veiller à l’application de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Les 4 ONG s’étonnent que le texte en cours de révision de la recommandation n° 19 sur la violence contre les femmes ne fasse aucune référence aux questions de prostitution et de traite des femmes et des filles.
Pour la première fois, un front abolitionniste international se fait entendre auprès du Comité. Encore faut-il comprendre de quoi il est question. Car curieusement, la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discriination à l’égard des femmes (CEDEF, ou CEDAW en anglais), important texte international de 1979 adopté par 189 pays (soit 90 % des membres des Nations Unies), est très mal connu.
Il s’agit pourtant d’un texte qui pose les bases d’un droit universel des femmes et qui constitue un outil précieux comme instrument de recours pour les ONG et pour les mouvements de femmes. Car, si tous les 4 ans, les États parties sont tenus de présenter au Comité CEDAW un rapport décrivant les mesures qu’ils ont mises en place, les associations de la société civile peuvent présenter des rapports alternatifs.
Violences, salaires, excision, sida, travail domestique,mariage, vie politique et publique, santé, femmes migrantes, les 30 recommandations du texte couvrent tous les sujets qui intéressent la vie des femmes à travers le monde et établissent un programme d’action visant à atteindre l’égalité dans les domaines politique, économique, social et culturel. Ratifiée par la France en 1983, cette déclaration internationale des droits des femmes est comme on l’imagine largement attaquée, notamment par la montée des exigences communautaristes et intégristes. Un système de réserves
fait ainsi obstacle à son application en permettant à quantité d’États d’éliminer les articles qui leur déplaisent, notamment l’article 16 qui traite de l’égalité dans le mariage et des rapports familiaux.
Suite à un appel à commentaires lancé pour un projet de révision de la recommandation n° 19 qui porte sur les violences faites aux femmes et invite à en éliminer toutes les formes
, nos quatre ONG s’alarment aujourd’hui de voir qu’elle ne souffle mot ni de la prostitution ni de la traite et demandent que cette référence soit réintroduite dans le texte final.
Il faut rappeler que l’article 6 du texte d’origine de la CEDAW appelait les États à prendre des mesures pour supprimer, sous toutes leurs formes, le trafic des femmes et l’exploitation de la prostitution des femmes
. Or, sous la pression de pays ayant légalisé certaines formes de proxénétisme dans la mouvance du sex work
, l’article 6 avait été peu à peu réinterprété pour réduire l’exploitation à la prostitution dite forcée
. L’enjeu est donc important. La CEDAW est un texte majeur qu’il faut tirer vers le haut, faire connaître beaucoup plus largement et défendre plus que jamais.
Photo : ONU (Genève), Jean-Marc Ferré.
Cet article est paru dans le numéro 190 de notre revue,Prostitution et Société. Pour nous soutenir et nous permettre de continuer à paraître, abonnez-vous!