Qui ne connaît pas ATTAC (Association pour la taxation des transactions pour l’aide aux citoyens) ? Fondée voici dix ans à l’intiative d’Ignacio Ramonet, éditorialiste du Monde Diplomatique, l’association a connu un développement fulgurant en proposant des réponses réformistes d’envergure aux problèmes provoqués par le capitalisme financier.
Présente dans 36 pays, relayée par une myriade de comités locaux, ATTAC a su produire des écrits accessibles et de haute tenue sur les grandes questions économiques et sociales : l’emploi, l’industrie, l’environnement, l’éducation… Ces travaux ont trouvé un vaste public grâce à leur publication dans la collection « Les Petits Libres » de l’éditeur Mille et Nuits : leur prix modique et leur format miniature ont fait de bon nombre de ces ouvrages des manuels appréciés par quiconque souhaite une première approche critique sur un sujet donné.
Aujourd’hui, la commission Genre et Mondialisation d’ATTAC publie dans cette collection Mondialisation de la prostitution, atteinte globale à la dignité humaine. En une centaine de pages rédigées dans un langage clair et vivant, ce « petit libre » offre un panorama international du système prostitutionnel et recadre fermement quelques problématiques essentielles.
On appréciera particulièrement : la parole donnée à des personnalités politiques rarement entendues en France, comme Aurora Javate de Dios, femme politique philippine, déclarant : La prostitution est l’indicateur par excellence de l’inégalité entre les femmes et les hommes
; et l’élucidation de quelques-unes des supercheries intellectuelles généralement utilisées par les défenseurs du proxénétisme prônant « le libre choix de se prostituer ».
Ainsi, ATTAC refuse d’établir une distinction entre la prostitution d’origine étrangère liée à la traite et à la mondialisation, et la prostitution locale ; il n’y aucune rupture ni de nature ni de structure entre les deux.
La ligne de défense proxénète est également resituée : quelques intellectuel-le-s coupé-e-s du mouvement social (…), largement médiatisés (…), s’inscrivant dans une démarche post-moderne qui occulte les rapports sociaux de domination pour ne mettre en avant que la libre détermination des individus choisissant leur identité.
La patte ATTAC
On le voit, la commission Genre et Mondialisation a passé le système prostitutionnel au crible spécifique d’ATTAC : une analyse économique et sociale prenant en compte les inégalités, les rapports de domination. Le système prostitutionnel est structuré comme un marché ; comme tous les marchés, il a trouvé son plein essor avec la mondialisation
.
C’est donc une parution qui s’inscrit dans le droit-fil des précédents travaux de la commission, rappelant qu’aucune lutte pour l’égalité hommes-femmes ne peut faire l’économie de l’abolition du système prostitutionnel et du proxénétisme.
Ces travaux sont disponibles en ligne, sur le site d’ATTAC – France, dans la rubrique « Genre ».
Ils apportent des analyses sur des sujets classiques du féminisme – lutte contre les violences faites aux femmes, contraception… – augmentées d’un regard économique, comme en témoignent les contributions sur le travail précaire, les retraites, la féminisation de la pauvreté…
Signalons particulièrement : Conséquences psychiques et physiques de la prostitution, de la médecin Judith Trinquart, détaillant comment la première [des violences rencontrées dans la prostitution est de subir des rapports sexuels non désirés de manière répétitive.
Claudine Blasco, présidente de la Commission Genre, avait accordé une interview à Prostitution et Société (numéro 145 / avril – juin 2004). Extraits…
Depuis les années 70, la liberté des capitaux a pris le pas sur les droits humains. Les grandes entreprises jouissent d’une liberté totale pendant que les hommes et les femmes sont devenus des objets, des ressources : soit marchandises, soit consommateurs. (…)
Même si elle a aussi des effets positifs, la mondialisation libérale tend à accentuer les inégalités entre hommes et femmes. C’est d’abord sur elles que pèsent la précarité et la flexibilité de l’emploi, le sur-chômage, la dégradation des conditions de vie, l’obligation de pallier les carences des services publics. Les évolutions renforcent aussi certaines formes archaïques de fonctionnement des sociétés, à commencer par la montée en flèche de la prostitution. (…)
En travaillant sur le blanchiment de l’argent criminel, nous avons trouvé l’argent de la drogue, des armes et des trafics d’êtres humains, donc de femmes, avec la prostitution. (…) Nous avons donc contacté les associations, quelles qu’elles soient : le Mouvement du Nid, Autres regards, le Bus des Femmes, Femmes solidaires, etc… Nous avons beaucoup lu, y compris des études internationales. Nous étions une dizaine à soutenir l’idée que la marchandisation du corps, c’est de l’esclavage, que c’est indigne, que c’est inacceptable d’en faire un travail.