Répondre aux attentes des jeunes, construire une société d’égalité femmes-hommes

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Voici un rapport de première importance. D’une lecture passionnante, d’une audace réjouissante (on peut même y lire des lignes réhabilitant le clitoris), il constitue l’outil qui manquait pour ne pas laisser Internet et la pornographie occuper, en matière de sexualité, la place « pédagogique » délaissée par les adultes. Très fouillé, il prône une approche citoyenne et positive visant aussi bien l’épanouissement au plan personnel que l’égalité au plan social.

La sexualité ne peut être épanouie si elle est empreinte d’inégalités et de violences. Eduquer à  la sexualité est donc un gigantesque chantier au moment où grandit la préoccupation des enseignants et des parents face à  l’utilisation croissante, par les jeunes, des réseaux sociaux et de la pornographie.

Saisi en juillet 2015 par la ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud Belkacem, et par la ministre des Affaires Sociales, de la santé et des droits des femmes, Marisol Touraine, le Haut Conseil à  l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE|fh) livre ce 15 juin 2016 un rapport précis et documenté sur l’éducation à  la sexualité dans notre pays, en toute cohérence avec la loi du 13 avril dernier visant à  renforcer la lutte contre le système prostitutionnel qui modifie le code de l’éducation pour y intégrer la prévention de la prostitution.

Annonce

Le constat est clair et net. Obligatoire depuis 15 ans (loi du 4 juillet 2001), l’éducation à  la sexualité est défaillante. Dépendante des bonnes volontés individuelles, inadaptée aux réalités des jeunes, elle oblige à  une remise à  plat.

Concentrée sur les sciences et la reproduction, et non sur la dimension citoyenne et l’égalité filles-garçons, elle ne touche tout au long de la scolarité qu’une petite minorité des 12 millions de jeunes scolarisés. Démunis, les jeunes se tournent donc vers des sources d’information souvent sexistes, homophobes et lesbophobes : sites porno, radios jeunes!

Le HCE|fh propose donc un état des lieux assorti de propositions pour améliorer la culture du respect entre filles et garçons et la lutte contre toutes les formes de violences. Il s’agit de parler positivement de la sexualité, de déconstruire les stéréotypes, de promouvoir le plaisir mutuel en adaptant bien entendu les interventions aux différentes tranches d’âge.

La domination masculine intégrée par les filles

A lire cet épais rapport, il y a du chemin ! L’étude du HCE|fh montre par exemple que le désir et le plaisir féminins restent tabou. 84% des filles de 13 ans ne savent pas représenter leur sexe mais elles sont 53 % à  savoir représenter le sexe masculin. Les garçons sont tout aussi ignorants du corps des filles. La responsabilité de la prévention des grossesses non désirées et des IST continue de peser principalement sur les filles et les femmes. La sexualité reste très marquée par les rôles de sexe (contrôle social sur les filles dont est menacée la « réputation », garçons tenus de faire preuve de « virilité », homosexualité discriminée, encore plus pour les jeunes femmes contraintes à  l’invisibilité).

Si la « culture porno » imprègne désormais les pratiques sexuelles des ados, on pointe moins le fait que les filles osent peu exprimer leurs réticences face aux garçons. Il semble que ces dernières subissent une intériorisation très forte de la domination masculine ; c’est à  elles que revient la charge de gérer les désirs sexuels de leur partenaire. Leur « consentement » apparaît comme une notion fortement marquée par les normes. L’environnement social ne les aide guère à  se libérer des carcans. Le rapport montre ainsi que l’androcentrisme (point de vue des hommes) est prépondérant partout, y compris dans la fameuse exposition « Le zizi sexuel, l’expo » (2007 et 2014, 340 000 visiteurs) qui fut pourtant présentée comme une révolution en la matière.

Le HCE|fh ne pouvait pas ignorer la dangerosité dont peuvent être porteurs les réseaux sociaux. Il constate qu’Internet nourrit un nouveau type de violences misogynes aux conséquences parfois tragiques. La cyberviolence se nourrit du sexisme et contribue à  amplifier le phénomène de la « réputation ». Quant aux forums de discussion sur la sexualité, ils sont souvent le lieu des informations erronées et même de la justification du viol.

Pour une politique globale et de vrais moyens

Le HCE appelle donc à  la mise en place d’une véritable politique interministérielle d’éducation à  la sexualité, part importante de l’apprentissage de la citoyenneté. Il demande que soit réaffirmée une ambition claire, cohérente avec la volonté déclarée de lutter contre les violences sexistes et sexuelles.

Il propose donc une trentaine de recommandations détaillées, sans verser dans la panique morale mais en optant pour des choix concrets : lancer une grande enquête nationale (la dernière date de 1995) pour mesurer l’impact d’Internet mais aussi des dogmes religieux dans le renforcement des tabous et de l’inégalité entre filles et garçons; affirmer et coordonner l’action interministérielle ; améliorer le pilotage dans les établissements scolaires ; accentuer la formation des personnels éducatifs, à  l’école mais pas seulement ; développer de nouveaux outils (les anciens étant souvent inadaptés), y compris numériques!

L’un des points forts tient au souci d’impliquer l’ensemble de la société et pas seulement l’école. Le HCE|fh insiste sur la nécessité de responsabiliser l’ensemble des espaces de socialisation des jeunes : protection judiciaire de la jeunesse, missions locales, mouvements d’éducation populaire, fédérations sportives (un lieu majeur de production de stéréotypes et d’insultes à  caractère sexuel !).

Ce vaste et enthousiasmant programme vise à  doter les jeunes de compétences et de savoirs dont elles et ils auront besoin pour une vie sexuelle et affective épanouie. Nous souscrivons intégralement à  toutes ses propositions. Comme on dit vulgairement, il n’y a plus qu’à !

Découvrir le rapport intégral, la synthèse et le communiqué sur le site du Haut Comité à  l’Égalité entre les femmes et les hommes.

Cet article est paru dans le numéro 189 de notre revue,Prostitution et Société. Pour nous soutenir et nous permettre de continuer à  paraître, abonnez-vous!

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.