« Lady Clean » ou l’humiliation des femmes

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Le temps est-il venu de la prostitution généralisée ? Voilà qu’une entreprise de nettoyage propose en France des femmes de ménage en tenue sexy ou déguisées en soubrettes. Des élues montent au créneau.

Equipée de son plumeau et de toute sa sensualité, notre Lady Clean est sociable, amusante et très sexy. Traduisons. Des jeunes femmes sans emploi, des étudiantes sans le sou trouveront là un lieu propre à leur permettre d’exercer leur vocation de toujours : celle de bonniche. Et plus si affinités. Johann Blazy, l’inventeur inspiré, parle de divertissement visuel, de spectacle, et son site précise que les « Lady Clean » pourront faire le ménage ainsi que tout ce dont vous auriez besoin.

Le prix? De 75 à 150 euros l’heure, quelque chose comme le prix d’une passe. Gardien de la bonne morale, l’homme nous rassure. Il est interdit de toucher, interdit de filmer. D’ailleurs, tout sera fait pour garantir la sécurité des jeunes femmes. Ainsi, on décide de les exposer sciemment au harcèlement sexuel, voire aux tentatives de viol, mais on prétend garantir leur sécurité. L’humiliation des femmes n’a plus de limites, l’hypocrisie non plus.

Annonce

Cette trouvaille immonde a bien entendu bénéficié du relais complaisant d’une partie de la presse. Citons Le Midi Libre (1er février 2011), qui, sous la plume d’une femme, a présenté l’initiative sous les traits les plus affriolants, précisant que le concept cartonne à l’étranger.

Heureusement, beaucoup de femmes, notamment des élues, crient basta. Françoise Prunier, adjointe au maire de la ville de Montpellier, déléguée aux droits des femmes, a publié un communiqué pour exprimer sa colère contre cet article odieux et pour dénoncer une telle pratique. Scandaleux, consternant, sexiste, a commenté de son côté la maire de Vénissieux, Michèle Picard, qui a alerté dans un courrier François Fillon et Xavier Bertrand, dénonçant une exploitation de la misère féminine et une activité assimilable à de la prostitution.

Des actions sont désormais envisagées. Michèle Vianès, présidente de Regards de Femmes à Lyon, qui dénonce cette utilisation des schémas les plus archaïques de la domination masculine et de la soumission des femmes, a l’intention, si une telle entreprise voit le jour dans sa ville, de saisir le procureur de la République et l’Inspection du Travail. Elle rappelle que des lois ont été obtenues contre le harcèlement sexuel et que l’employeur et les utilisateurs éventuels sont passibles de poursuites pour infractions pénales et au Code du Travail.

Lady Clean privée de serpillière

mise à jour 21 mars 2011

Face à la multiplication des réactions et au dépôt de plainte de la maire communiste de Vénissieux, le patron de la société a décidé, le 10 mars 2011, de jeter l’éponge. Un communiqué du 10 mars 2011 dénonce, quelle surprise, le discours pseudo moraliste des opposant-e-s qui n’ont pas compris que ce service ludique était à prendre au second degré et qui l’instrumentalisent pour promouvoir des intérêts partisans.

Drapé dans une image de bouc émissaire, il annonce l’intention de saisir les juridictions compétentes. Dans la presse, l’homme, qui confie qu’il était au RSA et qu’il a suivi le stage de créateur d’entreprise à la Chambre des métiers, prend soin de peaufiner son image de victime et de promettre des actions contre ses détracteurs.

Michèle Picard, maire communiste de Vénissieux, a réagi à la cessation d’activité de « Sensual Clean » en évoquant une première victoire pour toutes celles et ceux qui ont mené ce combat contre la marchandisation de la femme et de son corps (…) C’est un combat pour la dignité humaine, un combat actuel face à des visions rétrogrades qui prêtent encore beaucoup trop à sourire.

« Loue un beauf de canapé », mouvement d’opinion parodique qui s’était constitué en réaction au lancement des « Lady Clean », a commenté le communiqué de Johann Blazy en ces termes : Contrairement à ce que vous affirmez, il n’est possible ni de faire le ménage au second degré, ni de se déshabiller au second degré, ni encore d’avoir une érection au second degré.

En outre, si des personnes veulent se déshabiller et passer le plumeau chez n’importe qui, elles n’ont pas besoin de vous enrichir en passant
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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.