Le féminicide d’Anaïs M., tuée par un « client » à 18 ans

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Anaïs M. avait la vie devant elle. Mais elle a rencontré « la ou les mauvaises personnes ». La banalisation du sexe comme monnaie d’échange, a fait le reste. Avant qu’un gamin aussi jeune qu’elle en vienne à l’assassiner. Le Mouvement du Nid va se porter partie civile.

Anaïs M. avait 18 ans, elle « adorait les chats et la musique » comme le relève la presse. La nuit du 9 au 10 mai 2021, à quelques jours de la réouverture des cafés qui mettait en joie beaucoup de jeunes de son âge, son corps, marqué par des traces de coups et des brulures, a été abandonné sur le trottoir d’un quartier pavillonnaire de Pontault-Combault en Seine-et-Marne. C’est une livreuse de journaux qui l’a découverte au petit matin. Anaïs venait d’être tuée par un « client ».

Anaïs vivait avec sa mère et son frère à Dunkerque. Mais elle avait pris le large et selon l’une de ses amies, rencontré un certain S. sur les réseaux sociaux, avec qui elle passait en région parisienne le plus clair de son temps. « Je connais plusieurs filles qui font ça », avait ajouté cette amie.

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Les dernières semaines de sa vie, Anaïs M. les a passées avec S., dans un hôtel, près de l’aéroport de Roissy. S., connu des services de police pour vols, violences et agressions, était-il aussi un proxénète ? La question est posée. Car il semble que le soir du 9 mai, il ait déposé Anaïs chez un « client » au Plessis-Trévise, une commune du Val-de-Marne. Convoqué par la police, il est en tout cas ressorti libre.

Aussi jeune qu’elle, le « client » de 18 ans a été interpellé le 14 mai avant d’être placé en détention provisoire. Soupçonné d’avoir étranglé Anaïs, puis d’avoir transporté son corps à moitié nu dans une camionnette jusqu’à Pontault-Combault, il est passé aux aveux. Apparemment, il aurait voulu lui reprendre l’argent de la passe, elle aurait refusé, il l’aurait étranglée. Tragédie banale, tant les féminicides prostitutionnels, majoritairement commis par des clients prostitueurs, sont le plus souvent liés à ce moment terrible, l’échange d’argent.

Le féminicide d’Anaïs M. et une société complaisante

Anais-M

Au journal La Voix du Nord, qui a publié une photo d’Anaïs M. dans son « sweat » à capuche, sa mère a dit avoir reçu des messages inquiétants de sa fille. « Elle a peut-être fait de mauvaises rencontres », a-t-elle ajouté. C’est probable.

Car si les pseudo stars de télé-réalité, les images glamour à la Pretty Woman et la banalisation du sexe contre argent ont encouragé le passage à l’acte de certaines jeunes filles persuadées de mener la « grande vie », elles ont aussi simplifié la vie des proxénètes, experts en manipulation amoureuse. Les réseaux sociaux achèvent de leur faire gagner du temps pour repérer les proies potentielles : Instagram, Tik Tok, Snapchat, Tinder, Facebook… Et les plateformes, Airbnb, booking.com…pour mettre en place des « bordels éphémères ».

Voilà pourquoi « les filles qui font ça », entend-on souvent, sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses et de plus en plus jeunes. Comment échapperaient-elles ensuite à la violence qui caractérise le milieu, à celle des proxénètes comme à celle des « clients » ?   Anaïs a été victime de la violence masculine. Ce qu’elle a subi est un féminicide.

Tout dans son histoire relève de la haine que certains hommes portent aux femmes et à leur sexe, et du prétendu « droit » qu’ils s’attribuent de les utiliser sexuellement au prétexte qu’ils s’y sentent autorisés par l’argent.

 

A lire : notre rubrique In Memoriam, qui recense depuis 20 ans les meurtres et agressions relatés par la presse. Les féminicides prostitutionnels, on le voit à la lecture de cet article, sont le plus souvent le fait des « clients » prostitueurs, dans un contexte où la femme a voulu imposer ses « conditions ».

 

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.