Loi Prostitution : une révolution française

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La loi Veil de notre génération, a dit Laurence Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes ; une avancée de civilisation, a renchéri la députée Marie-George Buffet. 70 ans après la fermeture des maisons closes, la France franchit une étape décisive dans sa longue marche abolitionniste. Une révolution culturelle, pas moins.

Après 76 ans de répression contre les personnes prostituées et des siècles de mépris et d’exclusion, la loi affirme un principe fort : les personnes prostituées ne sont plus des délinquantes ! Mieux, elle affirme que la prostitution leur porte préjudice et que celles qui le désirent doivent pouvoir trouver des portes de sortie. Quant aux « clients », ils ont pour la première fois dans l’histoire du pays à  répondre de leurs actes. Face à  un pareil renversement de perspective, on est tenté de reprendre la formule de Nathalie, ancienne prostituée en bar à  hôtesses, lors du vote de la loi en première lecture en décembre 2013 : Le monde est remis à  l’endroit.

La France est ainsi le 5e pays européen, après la Suède, la Norvège, l’Islande et l’Irlande du Nord, à  adopter une loi progressiste qui renverse la charge pénale pour la faire passer des épaules des personnes prostituées à  celles des clients prostitueurs.

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Dommage que la portée de cette loi historique ne soit pas toujours bien mesurée. Parmi les médias, beaucoup ont préféré titrer sur les oppositions, à  commencer par celle des personnes prostituées qui seraient hostiles à  la pénalisation des « clients ». Si certaines le sont, dans la peur compréhensible de changements qu’elles maîtrisent mal, d’autres, dont la parole est impossible publiquement, disent aspirer de toutes leurs forces à  voir une loi contribuer à  éviter aux futures générations les pièges dont rien ni personne n’a su les préserver.

Une loi ne fait certes pas de miracle. Mais elle affirme des valeurs et engage notre vision de la société de demain. Celle ci met en place les moyens de faire reculer la prostitution, passée de l’idée archaïque de fatalité à  celle de pleine question politique.

De toute l’Europe, notamment des pays où la dépénalisation du proxénétisme a contribué à  l’explosion du « marché » aux femmes, des abolitionnistes disent leur bonheur de voir la France briser toutes les résistances pour faire ce bond courageux : un levier pour leur propre combat.

Une nouvelle ère va maintenant s’ouvrir. Encore faut-il que les moyens suivent. Nous voulons y croire.

L’essentiel de la loi

 

– Renforcement de la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains.
Les fournisseurs d’accès à  internet et les hébergeurs de sites doivent participer à  la lutte contre la diffusion de contenus proposant des offres de prostitution.

– Abrogation du délit de racolage

– Création dans chaque département d’une instance chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains

– Mesures d’accompagnement pour les personnes prostituées, mise en place d’un parcours de sortie (aide financière à  l’insertion sociale et professionnelle).
Pour financer ce parcours de sortie et les actions de prévention et d’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées, un fonds a été créé. Il devrait être à  terme de 20 millions d’euros. Il est pour le moment de 5 millions d’euros pour 2016.
Titre de séjour temporaire (renouvelable) permettant de travailler pour les étrangères engagées dans un processus de sortie de prostitution.

– Droit à  la réparation intégrale des dommages subis pour les victimes de proxénétisme

– Mise en place d’une politique de prévention : information et éducation à  la sexualité dans les établissements scolaires, formation des acteurs éducatifs et sociaux.

– L’achat d’acte sexuel est pénalisé par une contravention de 1500 € (3.750 € en cas de récidive), avec inscription au casier judiciaire, dans l’objectif de soustraire la sexualité à  la violence et à  la domination masculines.
Une peine complémentaire pourra être prononcée sous forme de stage de sensibilisation.