Procès exemplaire à Lons-le-Saunier : « derrière, il y a des vies de femmes »

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Procès exemplaire à Lons-le-Saunier : « derrière, il y a des vies de femmes ». Un couple de retraités a été condamnés à des peines de prison avec sursis pour proxénétisme à Dole. Le Mouvement du Nid était partie civile. Un procès exemplaire qui reconnaît la gravité des faits.

Au delà des peines de prison avec sursis prononcées contre un couple de retraités proxénètes, leur condamnation au versement de 5000 euros au Mouvement du Nid est le signe d’une reconnaissance de la gravité des faits et de l’importance de l’action menée par l’association. Le procès devant le tribunal de Lons-le-Saunier a été l’occasion d’ouvrir le débat sur un phénomène social encore objet de trop de complaisance.

L’affaire semble banale… et ne l’est pas. Un couple de septuagénaires comparaissait le 28 novembre 2023 devant le tribunal judiciaire de Lons-le- Saunier pour proxénétisme. L’homme a été condamné à 2 ans de prison, son épouse à 18 mois, tous deux avec sursis. Les deux retraités, propriétaires d’un petit immeuble à Dole, louaient entre autres, depuis 2017, un studio sur des plateformes en ligne. Lui gérait les contrats ; elle faisait le ménage.

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Le couple, qui savait que le studio était le plus souvent occupé par des femmes prostituées, s’était d’ailleurs rendu au commissariat de Dole pour se renseigner sur la conduite à tenir. Prétendant en être sorti rassuré, il a affirmé ignorer être coupable de proxénétisme.

Tribunal Lons-le-saunier

Porter le vécu des victimes

Si la délégation du Mouvement du Nid s’est portée partie civile dans cette affaire, c’est sur la recommandation du procureur du tribunal de Lons-le-Saunier. Aucune victime n’étant présente, il était important que l’association puisse porter leur vécu et les dommages causés par l’exploitation prostitutionnelle devant le tribunal. 

L’avocat du Mouvement, Maître Foubert, avait plusieurs objectifs : soulever l’intérêt des juges pour un phénomène encore couvert par une grande complaisance sociale ; éviter toute clémence ; et faire reconnaître le travail de l’association.  « Je voulais obtenir une réaction des prévenus », explique-t-il. « J’ai plaidé en disant que j’avais écrit 100.000 euros de dédommagement pour le Mouvement du Nid (une somme particulièrement élevée pour l’exemple, NDLR), pour qu’ils se représentent la hauteur du préjudice enduré par les victimes. Je voulais ouvrir le débat, sortir de ces calculs sans humanité qui caractérisent souvent les affaires de proxénétisme. Les prévenus n’ont parlé que revenus, ils ont même défendu l’idée qu’il fallait déduire de leurs gains les taxes de séjour ! »

Pour maître Foubert, « leur approche, d’une mauvaise foi caractérisée, était purement comptable. Alors que l’appartement du dessus était loué 570 € par mois, celui-ci l’était à 300 € la semaine. Ils n’étaient payés qu’en espèces, demandaient 10 € de plus pour aller chercher les femmes à la gare. Derrière, il y a des vies de femmes dont ils ne se sont souciés à aucun moment. »

Aucune des femmes, originaires d’Amérique du Sud, n’a porté plainte. Une seule a été entendue. Il ne s’agissait pas d’un réseau structuré mais de « tours » organisés de ville en ville.  Toutes ont disparu dans la mesure où les propriétaires, voyant qu’une enquête était ouverte, ont vite libéré le studio et mis l’immeuble à la vente. 

Une reconnaissance du travail du Mouvement du Nid par le tribunal de Lons-Le-Saunier

En revanche, de nombreux « clients » prostitueurs ont été identifiés et auditionnés. « Aucun désespoir sexuel là dedans », explique maître Foubert ; « juste une population masculine type, charpentier, électricien, chasseur, étudiant, souvent en couple, souvent jeunes. » Des hommes dont la représentante du Mouvement du Nid a noté les dépositions dépourvues de toute empathie : « Ils ne parlent jamais de femmes, jamais de relations ; ils disent qu’ils « consomment » tant de fois par semaine. »

Aucun n’a été poursuivi. « On les a assurés qu’ils resteraient à l’abri des poursuites s’ils se montraient utiles à l’enquête », explique maître Foubert pour qui il reste du chemin à parcourir pour une vraie prise de conscience par les tribunaux. « Dans les affaires de stupéfiants, interroger un consommateur n’empêche pas de le poursuivre… Pour le proxénétisme, les juges sont peu sensibilisés, les enquêteurs non formés et il n’existe pas de service spécialisé contrairement aux affaires de stupéfiants ou aux infractions routières. Le trouble social n’est pas visible. Il y a une complaisance certaine, un désintérêt des politiques publiques. »

Le tribunal a prononcé une peine de plus de 76.000 euros entre les amendes et les confiscations des biens du couple, correspondant à une estimation du profit réalisé : « En gros, ils restent propriétaires de leur immeuble mais on leur confisque la part remboursée sur leur crédit, avec l’argent sale. Les comptes bancaires et les voitures ayant été saisis, ils n’ont pas gagné le moindre euro. » 

Pour maître Foubert, ce verdict est important, d’autant qu’il s’accompagne d’une reconnaissance du préjudice moral pour le Mouvement du Nid : « On est loin de l’euro symbolique heureusement ; la somme de 5000 € est équivalente à celle qu’aurait touché une victime ; c’est reconnaître la gravité des violences et affirmer l’importance de l’action de l’association aux côtés de ces femmes. »

Les condamnés ont décidé de faire appel.

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