Rapport du HCE : en finir avec l’impunité de l’industrie pornographique

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Le rapport que publie le HCE ce 27 septembre 2023, Pornocriminalité : mettons fin à l’impunité de l’industrie pornographique, achève de démasquer le discours d’une industrie qui est parvenue à endormir la société tout entière et nos gouvernants pendant des décennies alors qu’il recouvrait, pour reprendre une dénonciation féministe, « un crime contre notre humanité ».

Les chiffres sont ahurissants. Les faits révulsants. L’immobilisme à peu près total. Comment une industrie d’une telle ampleur, connue de tout·es, « consommée » par une frange importante de la population, y compris par des adolescent.es, a-t-elle pu installer, et si longtemps, un pareil paysage de viols, de tortures, de pédocriminalité, dans la plus totale impunité ?

Aujourd’hui, on ne sait ce qui scandalise le plus en lisant le rapport que publie le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE) : la révélation réitérée du degré de haine et de violence misogyne porté par l’industrie pornographique, littéralement à couper le souffle, ou l’incroyable aveuglement de notre société et de ses dirigeants qui lui ont ménagé un espace de non-droit dont on ne trouve nulle part l’équivalent.

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Comme tout lobby, l’industrie pornographique a pris soin d’imposer un vocabulaire euphémisant :  « liberté d’expression », « liberté artistique », « cinéma »… Et comme tout agresseur, elle a organisé son impunité. Le stratagème a si bien fonctionné que le moindre discours critique était jusqu’ici condamné comme rétrograde ; et toute réaction paralysée.

Le rapport du HCE, après « l’enfer du décor »

Relais au glaçant rapport du Sénat « L’enfer du décor » paru il y a quelques mois, le travail du HCE (fondé sur des mois d’auditions et des visionnages de contenus à en vomir)  fait donc œuvre de salubrité publique en sortant du déni et du fantasme : 90% des contenus pornographiques présentent des actes réels de violences envers les femmes ; dans les millions de vidéos qui circulent sur Internet, elles sont caricaturées, humiliées, déshumanisées, violentées, torturées. Leur souffrance est érotisée. Aucun des pires stéréotypes sexistes et racistes ne leur est épargné. Le tout, une constante apologie du viol, de la pédocriminalité et de l’inceste, bafoue totalement la loi française.

Face à ces faits, le HCE dénonce « une passivité inacceptable ». Pour preuve, le test concluant qu’il a lancé en juin dernier, en signalant à la plateforme Pharos[1] 35 contenus aux titres aussi évocateurs que « Ecolière se fait sodomiser ». Aucune réaction ; les images sont toujours en ligne.

Non, la pornographie n’est pas du cinéma. C’est un massacre.

Le HCE a recensé 14.000 vidéos répertoriées dans la catégorie « Tortures ». L’une des plaignantes de l’affaire dite  French Bukkake (une quarantaine de femmes se sont portées partie civile) décrit les 48 heures de torture qu’elle a subies après avoir été recrutée en ligne. Ce récit insoutenable devrait pouvoir franchir bientôt la porte du tribunal puisque 17 accusés seront jugés dans les prochains mois pour «viols en réunion», «traite d’être humains en bande organisée» et «proxénétisme aggravé».

La porosité entre les univers pornographique et prostitutionnel apparaît clairement, confirmant ce que s’évertue à répéter le Mouvement du Nid, qui préfère d’ailleurs au terme « pornographie » celui de « prostitution filmée » et qui est partie civile dans le procès en cours.

Lire également : « le porno, ce n’est pas du cinéma (rapport du Sénat)

Une série de recommandations 

Parmi une série de recommandations, Le HCE exige une fois de plus l’application de la loi de 2001 en matière d’éducation à la sexualité, avec trois séances annuelles et un module de prévention sur la pornographie et la marchandisation de la sexualité.

Le rapport propose également de réaffirmer l’interdiction de la marchandisation de la sexualité d’autrui et créer une nouvelle infraction générique d’exploitation sexuelle qui intègrerait les nouvelles formes de cyberexploitation sexuelle.

 Suite à la remise du rapport, la ministre Bérengère Couillard, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, a annoncé la création d’un groupe de travail interministériel, avec les ministères de l’Intérieur, de la Justice, du Travail, de la Culture et du Numérique. Les conclusions, qui devraient statuer sur la façon d’obtenir la suppression de contenus plus que problématiques, sont prévues pour le printemps 2024.

Le Mouvement du Nid rappelle l’importance de voir le droit s’appliquer à la pornocriminalité. Les lois existent et permettent de condamner. La sexualité ne peut s’acheter en France. Cette borne éthique n’a pas à être aménagée, mais respectée. Il s’agit d’un enjeu majeur de santé publique quand on sait que l’accès à la porno commence à 11 ans. Comment construire une société égalitaire quand la culture du viol est si banalisée et si envahissante ?

[1] Cette plateforme en ligne permet de signaler des contenus « manifestement illicites »

Lire la synthèse du rapport ici