Le rapport du HCE « Mettre fin au déni et à l’impunité face aux viols et aux agressions sexuelles » fait pour la énième fois le constat d’une culture du viol indéracinable et d’une complaisance sociale tenace. Reste à continuer d’agir, et à y croire encore…
En un an, 153 000 personnes majeures sont victimes de viols et 217 000 d’agressions sexuelles. Les chiffres sont implacables : 93% des victimes majeures de viols sont des femmes et 84% des victimes mineures sont des filles.
97% des mis en cause sont des hommes ou des garçons. Pour les agressions sexuelles, sans surprise, 91% des victimes majeures sont des femmes et 82% des victimes mineures sont des filles. 96% des mis en cause sont des hommes ou des garçons; ces viols et agressions sexuelles n’étant que le point culminant d’un continuum de violences sexistes qui marquent toute leur vie le quotidien des femmes.
Si, entre 2016 et 2024, avec la levée des secrets issue de la vague #Metoo, les plaintes pour viol sur personne majeure ont été multipliées par 3 (de 7169 à 22 352) et celles pour agressions sexuelles par 2 (de 8401 à 17486), les condamnations pour viol n’ont augmenté dans le même temps que de 30% (de 1017 à 1300).
Sur plus de 20.000 plaintes pour viol en 2023, seules un peu plus de 5.000 ont été transmises aux juges d’instruction; et seulement 636 condamnations en cour d’assises ont été prononcées.
Car le parcours des victimes, comme le montrent les nombreuses et édifiantes auditions, reste celui de combattantes. Stratégie d’invisibilisation des agresseurs, réticences à porter plainte, manque de lieux d’écoute, sont couronnés par une quantité de classements sans suite, de non lieux et de déqualifications, l’inversion de la culpabilité demeurant un réflexe patriarcal profondément ancré.
Le constat, lancinant, a de quoi décourager. Malgré la mise en place de mesures améliorant la situation des femmes victimes de violences suite au Grenelle des violences conjugales, le rapport est formel. La justice française continue de manquer à ses devoirs les plus élémentaires : garantir la protection des victimes et la condamnation des agresseurs.
Les recommandations du rapport du HCE
L’étude énonce donc, une fois de plus, une liste de recommandations qu’on aimerait ne plus avoir à lire et relire en 2025 :
- disposer d’un budget à hauteur des enjeux;
- mobiliser l’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité (EVARS) et réaliser des campagnes de sensibilisation à grande échelle;
- augmenter le nombre d’Unités médico-légales (UMJ) et y rendre obligatoire le recueil de preuves sans plainte;
- étendre les dispositifs de lutte contre les violences conjugales à toutes les violences sexuelles : ordonnances de protection et ordonnances provisoires de protection immédiate, référent·es violences intra-familiales (VIF) dans les services de police et les tribunaux;
- renforcer la formation de tous les personnels au contact des victimes; accorder à toutes l’aide juridictionnelle sans condition de ressources dès le dépôt de plainte;
- augmenter les moyens alloués à la lutte contre les violences sexuelles, notamment en pérennisant, et il y a urgence, l’activité des associations.
Quoi qu’en pensent les hommes que cette étude fera une nouvelle fois soupirer, il ne s’agit pas de les condamner un par un (tous ne commettent pas de viols, heureusement) mais bien de tout faire, collectivement, pour éradiquer une culture passée à grande échelle dans l’inconscient collectif : une culture qui fait des femmes des proies aimant la soumission et la violence et des hommes des prédateurs mus par des « besoins irrépressibles », alors qu’en réalité elles résistent toujours. A cet égard, tous ont à en prendre leur part.
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