Nancy : Jusqu’à 8 ans de prison pour proxénétisme

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Une cinquantaine de victimes, dix-huit proxénètes jugés, dix-sept condamnés à des peines allant jusqu’à 8 ans de prison, seize avec interdiction définitive du territoire français. Le procès hors normes qui s’est tenu du 5 au 16 juillet 2021 au tribunal correctionnel de Nancy a marqué la fin d’une longue épreuve pour les femmes bulgares que leurs bourreaux ont prostituées à Strasbourg entre 2012 et 2018. Certaines étaient accompagnée par le Mouvement du Nid. 

C’est au terme d’une importante enquête de plusieurs années, pilotée par la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs), qu’a pu être mis hors d’état de nuire le réseau organisé par un clan rom qui recrutait des jeunes femmes en Bulgarie, les hébergeait en Allemagne puis les conduisait chaque jour, sous haute surveillance, dans le quartier du port du Rhin à Strasbourg. Le réseau aurait également oeuvré dans la région d’Annecy en Haute-Savoie. L’enquête a établi qu’au moins un million d’euros issus de la prostitution avaient été transférés vers la Bulgarie entre 2012 et 2018.

Les Dernières Nouvelles d’Alsace donnent l’exemple d’une de ces femmes vivant sous la coupe de la famille Bosev depuis ses 12 ans : forcée à la mendicité en Grèce puis à la prostitution à 17 ans. Sous l’emprise de Vasil Bosev avec qui elle avait un enfant, et de sa mère Elisaveta Boseva, matriarche du clan (tous deux condamnés à huit ans), elle était battue et vivait sous la menace qu’on lui enlève sa fille si elle ne rapportait pas assez d’argent. Les autres victimes, en situation précaire, souvent de jeunes mères isolées, étaient le plus souvent originaires d’un quartier populaire de Sofia. Les proxénètes leur avaient promis monts et merveilles, en tout cas une vie meilleure en France ou en Allemagne.

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Le Mouvement du Nid auprès des victimes 

Sur la cinquantaine de victimes bulgares, seulement neuf étaient représentées par leurs avocates, explique Marlène Chané, travailleuse sociale de la délégation du Mouvement du Nid. Plusieurs d’entre elles étaient connues par l’association et deux ont souhaité être accompagnées. Je les ai soutenues dans leurs démarches préalables au procès afin de contacter leurs avocates respectives, transmettre les informations et maintenir le lien entre elles. Pour elles, c’était impossible d’être présentes au tribunal, de devoir revivre toutes ces violences et viols. Trop traumatisées, elles ne veulent plus avoir à parler de ce qu’elles ont subi.

Présente lors de la première journée du procès, l’éducatrice ne cache pas qu’elle a été glacée : Onze proxénètes étaient présents dans la salle de tribunal, onze gaillards dont on pouvait sentir l’emprise, rien qu’à leurs manières, à leurs rires. Leur violence était palpable.

Pour l’une des femmes suivies par la délégation, c’était d’autant plus difficile qu’elle était à la fois victime et prévenue. « Recrutée » par le clan en tant que prostituée, elle était devenue un rouage des transactions d’argent. A ce titre, elle avait purgé un an de prison en 2018. Les services de la prison avaient pris contact avec la délégation et à sa sortie en 2019, elle est venue au Mouvement du Nid.

Reconnue comme victime 

Le changement important, explique la travailleuse sociale, c’est qu’en 2021 elle a été reconnue comme victime. Elle a même eu droit à des dommages et intérêts d’un montant de 8000 euros pour les préjudices subis, comme plusieurs autres victimes. Nous avons pu faire entendre au tribunal ce qu’elle avait vécu, comment elle a été prise dans les logiques du réseau et comment elle a subi l’emprise de son proxénète dont elle était amoureuse.

Un progrès certain, donc. L’avenir semble meilleur pour cette jeune femme qui a tourné la page et a déjà trouvé un travail. Elle s’est beaucoup investie en venant à la délégation très régulièrement depuis trois ans. Elle a rompu tout contact avec le réseau. Pour la deuxième, les choses semblent un peu plus difficile : Elle est de santé plus fragile mais elle est tellement soulagée elle aussi que le procès soit terminé. Toutes deux veulent rester en France et vivre dans un cadre stable et sécurisant. Pour nous, c’est une évolution très positive !

Quid des « clients » ?

Un réseau de proxénètes anéanti, des femmes qui se reconstruisent, on ne peut que se réjouir, même si on peut s’étonner du fait qu’un procès de cette envergure, avec des chefs de proxénétisme, traite des êtres humains et blanchiment aggravés, ait été jugé en correctionnelle et non aux assises…

Reste la question de ceux dont on ne parle pas, ou si peu, en pareil cas : les « clients ». Quid des prostitueurs qui ont imposé à ces femmes des viols sans se poser de question au motif qu’ils avaient payé ? Nous nous permettrons donc de redire que, sans leurs exigences sexuelles et sans le sentiment de leur « bon droit », de tels réseaux, avec toutes les tromperies et les violences qu’ils induisent, n’existeraient tout simplement pas.