Un groupe de député.es allemand·es demande que les bordels ne rouvrent pas

Allemagne Coronavirus

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16 député.es de la CDU et du SPD (centre droit et centre gauche), 8 femmes et 8 hommes, ont adressé le 21 mai 2020 une lettre ouverte aux 16 premiers ministres des Länder, leur demandant de ne pas rouvrir les bordels, fermés suite à la crise du coronavirus.

Cette initiative est historique dans la mesure où parmi ces député.es se trouvent des personnalités politiques de poids Outre-Rhin. On peut citer notamment un ancien ministre de la santé du gouvernement Merkel, Hermann Gröhe, le populaire épidémiologiste Karl Lauterbach, dont la parole a été très écoutée lors de l’épidémie, ainsi que les présidentes du groupe Femmes de la CDU et du groupe Femmes au Bundestag, Annette Widmann-Mauz et Yvonne Magmas.

Au delà des évidentes raisons sanitaires, la prostitution ne pouvant être qu’un accélérateur de la contagion, les signataires invoquent une activité destructrice à laquelle les femmes sont contraintes dans la majorité des cas. Ils pointent l’échec de la loi allemande censée faire de cette activité un métier comme un autre. Selon eux, le pays est devenu le bordel de l’Europe et les premières concernées n’ont rien gagné. La fermeture des bordels a ainsi été l’occasion de montrer que beaucoup d’entre elles n’avaient ni logement à elles ni accès aux droits sociaux.

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La lettre indique que 33.000 personnes prostituées seulement se sont enregistrées comme l’exige la loi, sur les 400.000 que compterait l’Allemagne ; pire, moins de 100 auraient accès à la sécurité sociale en tant qu’employées ! Soulignant les dommages physiques et psychiques qu’engendre la prostitution, les signataires demandent donc un changement de paradigme au profit du modèle nordique et français qui interdit l’achat de « services sexuels » mais ne criminalise par les personnes prostituées. Pour eux, ce dont ont besoin ces femmes, c’est d’une alternative à leur situation, d’une formation ou d’un métier plus sûr. Une telle révision de la loi permettrait à leur avis d’enrayer le marché de l’exploitation sexuelle mais aussi de renforcer la position de ces personnes face à leurs clients et proxénètes.

Largement relayée par les médias allemands, la publication de cette lettre a fait du bruit. Le puissant lobby pro prostitution allemand est donc immédiatement monté au créneau. Karl Lauterbach, entre autres, a déjà subi un tombereau d’insultes et le « Berufsverband für erotische und sexuelle Dienstleistungen (BesD e.V.) », syndicat des tenanciers, a immédiatement adressé un courrier à ces député·es assorti d’un manuel hygiéniste expliquant comment exercer la prostitution en temps de coronavirus.

Invoquant le fait que les « sex workers » sont habitué.e.s à contrôler les infections, il développe ce qu’il appelle pompeusement un concept : bouche et nez couverts par des masques, distances requises, absence de face à face, gestes de lavage et de désinfection (lingerie et dentelles passées à 60°)… Une panoplie « érotique » qui, si elle ne mettait en danger les personnes, aurait tout du sketch comique ; et un énième exemple de la façon dont un « syndicat » censé les représenter n’hésite pas à livrer ses « employé·es » à tous les risques du moment que les profits restent assurés.