Beloved

1872

Dans Beloved, Yaron Shani, cinéaste israélien, dresse le portrait de la société israélienne versant féminin (après « Chained », versant masculin), et montre comment face aux violences sexuelles endémiques, la libération des émotions et la sororité sont le seul espoir pour réparer notre monde.

Vers la fin de Beloved, une voix radiophonique résonne, alors que Na’ama, une des héroïnes du film, erre dans la rues de la ville. Enfant adoptée, femme prostituée, elle prend soin de son père mourant, dont on comprend qu’il a été son agresseur. A la radio, un homme tient un discours de dénonciation sur les violences faites aux femmes et sur ce qui mène, très majoritairement, les femmes à la prostitution : la violence sexuelle contre les filles, qui est à un niveau endémique inquiétant. Alors qu’Israël est devenu ce mois de juillet le huitième pays adoptant une loi de pénalisation des « clients » prostitueurs, l’analyse juste, glaçante, contextualisée dans une société malade, accompagne la prise de conscience par les personnages de ce qui les a menées où elles sont.

Alors que Na’ama erre la nuit entre clubs de « lap dance » et appartements prostitutionnels, et la journée à l’hôpital où meurt son père, sa sœur, Yaël, est celle qui semble s’en être sortie en aidant des femmes à accoucher de leurs enfants dans une institution de bien-être pour femmes enceintes. Elle, délaisse son père, qu’elle a mis dans l’EHPAD où travaille Avigail, l’héroïne principale, qui consacre sa vie professionnelle au soin aux personnes âgées.

Annonce

Yaël, qui organise des groupes de thérapie par le soin réciproque entre femmes, semble diffuser la lumière autour d’elle, quand sa sœur vit dans la nuit.

Mais les deux sœurs ont vécu l’enfance côte à côte, et l’une n’est pas meilleure, plus chanceuse, plus libre que l’autre. Elles font toutes deux ce qu’elles peuvent pour s’extraire d’un patriarcat qui les a – presque – brisées. Dans un scène inouïe se révèle l’ampleur du traumatisme qu’elles ont vécu. Il faut un combat psychologique et physique terrifiant entre elles deux pour qu’elles puissent exorciser la violence qui les a divisées, et se reconnecter l’une à l’autre. Ce n’est qu’après cela, qu’elles pourront véritablement passer à l’étape suivante de leur vie, avec le soutien d’autres femmes.

Comme celui de cette écrivaine croisée dans une librairie, et avec qui Na’ama a eu une discussion sur la masculinité toxique, qu’elle retrouve comme militante associative auprès des personnes prostituées. C’est devant elle, qu’elle peut enfin laisser sortir sa peine, authentique, après les démonstrations de pleurs théâtrales du début du film.

Au milieu d’elles deux, Avigail, 35 ans, est mère d’une adolescente qui ne supporte pas sa nouvelle vie conjugale avec Rashi. Elle est enfermée dans ce mariage qui l’empêche de vivre, et se libère peu à peu grâce à l’amour et au soin de Yaël et son groupe de femmes, qui se parlent, s’écoutent, avec tendresse et compréhension.

Un film puissant, qui montre que face à la violence de la masculinité patriarcale, il ne suffit pas d’être dans le soin sacrificiel aux autres, pour « réparer » notre monde. Mais que seule la bienveillance, l’écoute collective et le soin de soi, pas seulement pour soi mais pour toutes, sont force de vie. Comme dans cette scène magnifique où Avigaïl coupe ses cheveux pour la première fois de sa vie, encouragée par Yaël et avec -enfin- le soutien et l’enthousiasme de sa fille, pour se révéler à elle-même.