La rencontre à Phnom Penh entre un vieux travesti et une petite fille cambodgienne contrainte de se prostituer va permettre à ces deux êtres cabossés par la vie de se créer un espace de lumière dans la noirceur d’un quotidien cru et violent.
L’aurore peine à se lever dans la capitale cambodgienne qui demeure encore profondément traumatisée par les massacres perpétrés par les Khmers rouges. Dans ses sordides faubourgs, Mirinda, un prostitué français traine sa carcasse prématurément vieillie par l’alcool et les shoots. Portant à l’occasion une perruque de longs cheveux blonds, ce travesti fait des passes à répétition dans les dancings, les maisons de passe et autres lieux misérables ; tellement imprégné des violences quotidiennes qu’il est devenu étranger à lui-même, tapinant de façon automatique, sans états d’âme. De retour dans son taudis, il cache ses billets entre deux vieilles pierres, avant de s’effondrer d’épuisement aux côtés de Viri, son jeune amant cambodgien.
Survivant au jour le jour, Mirinda ne se plaint jamais, sauf des grosses sommes d’argent que lui soutire régulièrement Viri. Ce vendeur ambulant camé fait du trafic à ses heures perdues, en organisant le passage de « filles » en Thaïlande pour une centaine de dollars. Mirinda qui est revenu de tout, rêve néanmoins d’une chirurgie esthétique du visage, trop coùteuse pour lui. La transformation à laquelle ce travesti vieillissant aspire va s’opérer d’une manière inédite, grâce à une petite fille sortie de nulle part, livrée à elle-même.
Cette jeune cambodgienne, Panna, mendie ou propose aux Occidentaux de faire « boum boum » contre cinq dollars. Mirinda n’a que faire de cette gamine repliée sur elle-même et mutique. Il l’observe avec un regard froid et détaché discuter à table avec un vieil homme blanc et le suivre dans sa chambre d’hôtel. Peu à peu, Mirinda s’attache à Panna dont le destin lui rappelle cruellement le sien. Il n’hésite pas à la conduire d’urgence à l’hôpital lorsqu’elle s’auto-mutile le vagin avec un morceau de verre ou s’inquiète lorsqu’elle s’enferme dans les toilettes avec un sabre. Panna a tout vécu avant d’avoir eu le temps de grandir : vendue par ses parents, misérables pêcheurs, elle a subi des violences sexuelles à répétition. C’est en sauvant cette petite fille de la prostitution et de la mendicité que Mirinda se sauve lui-même. Cet homme qui éprouve des sentiments paternels inédits sort de l’immédiateté pour se projeter enfin dans l’avenir. En protégeant et aimant Panna, il lui permet de sortir de son mutisme et de dire l’innommable.