Isabelle Alonso, dans Les vrais hommes sont féministes », est fidèle à l’ensemble de son oeuvre. Claire, précise, droite au but !
Le féminisime, on l’a accusé de tout ; il serait louche, sulfureux, l’afficher serait le signe que celle qui s’en réclame a « des problèmes ». Eh bien non. Le féminisme, c’est simple, nous dit Isabelle Alonso. C’est juste une «lutte contre l’injustice». Et pour l’injustice, vous pouvez faire confiance à son regard perçant de femme qui ne se laisse pas embobiner. En 250 pages menées au pas de charge, elle en fait quasiment le tour. Au point que, même quand on l’est, féministe, on en reste sonnée.
Isabelle Alonso s’adresse aux hommes
Il se trouve que c’est aux hommes qu’elle s’adresse. Son idée ? Leur faire prendre conscience de l’eau du bocal. Tout comme le poisson rouge ne la voit ni ne la sent, eux ne se rendent pas compte qu’ils respirent un air saturé d’androcentrisme ; la domination paraît toujours naturelle à ceux qui l’exercent.
Heureuse idée, d’utilité publique. Toutes les filles, nos filles, feraient bien d’en profiter. Et même celles qui ont vu Les Valseuses et ont ri avec les copains devant l’humiliation orchestrée des femmes par les deux types crades et violents joués par Dewaere et Depardieu.
Donc, Isabelle Alonso dézingue. Avec ce qu’il faut d’humour, comme toujours.
La vaseline de l’ordre établi
Les Blier, Altman et autres cinéastes « subversifs » ? « Ils se prennent pour du poil à gratter, ils sont la vaseline de l’ordre établi». La fausse subversion, elle la débusque au couteau, tout comme la manière dont le patriarcat nous embrouille. À cet égard, un chapitre LGBTTQQIAAP+ (ouf), tombe à point. Dans l’élan, tout y passe : « l’usine à fric» qu’est la porno, «déclaration de guerre » aux femmes, à coup de tortures et d’humiliations censées relever de la liberté d’expression. La prostitution aussi, indéboulonnable «colonne du temple patriarcal ».
Les confusions, les approximations, les euphémismes, l’autrice les traque, elle qui tient à l’importance des mots. Les «violences faites aux femmes» ? Mais par qui ? Violences machistes serait plus clair. Le fameux «consentement», toujours brandi par les agresseurs? « Tant qu’on n’aura pas remplacé “consentir” par “désirer”, on restera dans la barbarie patriarcale». Les «clients» ? Pourquoi pas des «putards», sur le modèle, péjoratif, des espagnols puteros ?
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Un travail ? Un mensonge à la truelle !
Après tout, eux parlent bien des « putes » ! Alonso épingle au passage le discours proxénète que des chroniqueurs (et pire, des chroniqueuses) nous livrent dans les médias, souvent sur le mode de la rigolade, non sans rappeler qu’un lobby est tapi derrière ; un lobby qui encaisse des profits titanesques et a pris soin de réformer le champ lexical féministe, en imposant la fameuse « liberté de choisir » et le « travail du sexe ». Un travail ? Un mensonge « à la truelle », oui, et que reprennent en chœur des serviteurs zélés se prenant (encore) pour des agents de la subversion.
Toute l’époque est là, d’une chronique de France Inter à une émission de Laurent Ruquier. L’histoire aussi, pour rappeler les multiples carcans dont les femmes ont dû, et continuent de devoir, s’extraire. Le présent, le passé, le tout forme une stupéfiante constellation qu’on peut résumer par un seul mot. Détester. Le patriarcat déteste les femmes.
À la fin, on y voit plus clair. Et pour l’avoir lu, ce bouquin, on peut le dire ; nos amis les hommes peuvent y aller, sans crainte de l’abattoir. En sortir réveillés, non sans s’être marrés bien souvent, voilà ce qui peut leur arriver de pire. Avec l’envie, comme Alonso les y invite, de jouer « les agents infiltrés » dans le patriarcat ; de ne plus marcher dans la combine, de passer au stade de la dissuasion.
Pour aller plus loin : Le site d’Isabelle Alonso