Journalisme de combat pour l’égalité des sexes

1993

En 2010, Isabelle Germain créait « Les Nouvelles News, l’autre genre d’info ». Dix ans après, la fondatrice fait le point sur ce « journalisme de combat pour l’égalité des sexes », qui est confronté à de nombreux obstacles, ceux des réflexes patriarcaux de la profession.

Ancienne présidente de l’Association des femmes journalistes, l’autrice a toujours observé son métier avec un regard critique :« Dans le récit de l’actualité, dit-elle, le masculin l’emporte ». Constat de la sous-représentation des femmes dans les articles (qui, lorsqu’elles sont mentionnées, sont rarement nommées), du choix sexué de la hiérarchie des sujets.

Ce petit livre est passionnant, en ce qu’il nous permet de voir, à travers ces dix ans de combat, difficile (surtout pour trouver des financements), ce qui a changé – ou pas. Avec l’émergence d’Internet, et de #metoo, on observe des changements, réels. Avec la généralisation du terme féminicides, avec parfois l’adoption d’un langage non sexiste. Mais globalement, lorsqu’on regarde les chiffres, comme toujours, on ne peut parler de pas de géants vers l’égalité, mais bien de petites avancées.

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L’autrice consacre un chapitre entier au traitement médiatique de la prostitution. Elle note qu’avant l’adoption de la loi du 13 avril 2016, le tapis rouge était systématiquement déroulé aux « clients » prostitueurs et à ceux qui les soutiennent (Caubère, Badinter, » Dodo la Saumure », etc.).

Aujourd’hui, c’est moins le cas. Mais pour autant, la parole n’est toujours pas donnée à l’immense majorité de celles qui sont exploitées dans la prostitution, mais à ceux qui défendent « l’émancipation par le travail du sexe ». Elle est bien la seule à souligner que quand, en 2018, « Médecins du Monde et le petit syndicat du travail sexuel reprochent à la loi du 13 avril 2016 de mettre les prostituées en danger », les médias le reprennent « comme un seul homme ». Et donnent nettement moins d’échos à la réponse, même par des expertes reconnues comme Muriel Salmona, Emmanuelle Piet, des médecins, qui rappellent dans une tribune au Monde que ce n’est pas la loi qui tue, mais bien la prostitution.

Enfin, Isabelle Germain note l’intérêt croissant des médias pour le proxénétisme de mineur·es. A la suite d’un article du Parisien, elle est la seule à analyser comment « 200 passes », imposées à des mineur·es, sont plutôt 200 viols. « Si petit à petit les médias comprennent le sens de la loi de 2016, c’est toujours le voyeurisme qui prime », note-t-elle, en montrant des corps ou des bouts de « corps prostitués ». Elle conclut : « dans la lutte contre l’esclavage prostitutionnel, les médias ont une responsabilité.Comment qualifient-ils les faits ? A qui tendent-ils le micro ? Quels commentaires diffusent-ils » ?

On ne peut qu’approuver ces questionnements !

Journalisme de combat pour l’égalité des sexes, éditions Les Nouvelles News