L’institution de la liberté

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Voici un ouvrage qui arrivait à  point nommé, à  l’heure où une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la loi du 13 avril 2016 était déposée devant les Sages. L’auteure, professeure de droit, interroge avec une grande pertinence sur les limites des valeurs majeures telles que la liberté, le consentement ou la dignité et prouve, solides arguments à  l’appui, comment la loi peut favoriser, au contraire, l’émancipation de l’individu et protéger les plus faibles.

« Sans la liberté de dire « non », le « oui » n’est que le signe du renoncement et de la résignation. »

Le consentement qui oblige
Muriel Fabre-Magnan creuse cette notion si largement débattue actuellement qu’est le consentement, « une condition primordiale pour que le droit acquiesce et apporte son soutien »! mais pas « suffisante sans conduire à  approuver ce qui est en réalité un retournement de la liberté ».
L’auteure interroge ainsi sur le « consentement » présumé des personnes prostituées qui sont surtout contraintes pour des raisons financières, psychologiques à  avoir recours à  des actes tarifés. Il ne s’agit donc pas d’un choix mais plutôt de « la soumission des plus faibles » qui sont dépendants de personnes à  qui ils expriment leur consentement. La professeure de droit à  Paris I met en lumière le paradoxe du consentement qui peut se retourner contre les personnes qui ne sont alors plus soutenues par le droit. En effet, en cas de problème, elles n’auront aucune raison de se plaindre et seront jugées « entièrement responsables de ce qui leur arrive puisqu’elles y ont consenti ». Le consentement dévoile en réalité « non pas simplement une faculté d’agir mais la renonciation à  un droit ou à  une liberté » conclut l’auteure.
Quand la notion de consentement est mise au service du pouvoir et de la domination!

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Réfutant les arguments des farouches défenseurs du « travail du sexe » qui veulent en faire une profession comme une autre, Muriel Fabre-Magnan estime que « la personne perd sa liberté en la contractualisant. ». Contrainte de se soumettre à  des obligations réciproques, la personne prostituée sera en effet « tenue d’exécuter la prestation convenue ou, à  tout le moins, de payer des dommages-intérêts au client s’il ou elle ne le souhaite plus ». Des litiges qui peuvent remonter jusqu’aux tribunaux!

« c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit »

« La liberté d’être esclave n’est pas la liberté »
Retraçant le parcours des féministes qui, au nom du droit à  disposer de son propre corps, se sont farouchement battues pour revendiquer la liberté de l’avortement et la contraception, l’auteure s’indigne que les femmes brandissent aujourd’hui cet argument pour vouloir que le corps soit aliéné et commercialisé, notamment dans la prostitution et la GPA. Qu’une femme accepte de devenir l’esclave sexuelle des hommes, « qui a réussi un tel tour de force ? », s’interroge la juriste qui constate que le principe d’indisponibilité du corps humain est aujourd’hui récusé. Elle conclut : « Ce qui est aujourd’hui revendiqué à  travers l’affirmation d’un principe de libre disposition de son corps est souvent le droit de consentir à  ce qu’autrui y porte atteinte. »

Interrogeant enfin la notion de dignité, la professeure de droit rappelle que
le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle à  la loi de bioéthique (décision du 27 juillet 1994) en énonçant que « la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à  valeur constitutionnelle ». Ce concept de dignité est donc une norme fondamentale que les Sages du conseil constitutionnel ne devraient pas oublier concernant la loi du 13 avril 2016!