Un mois chez les filles

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Drôle de personnage que Maryse Choisy , l’auteur d’Un mois chez les filles (1928) que réédite les éditions Stock : diplomée en philosophie de Cambridge, chiromancienne, psychanalysée par Freud, elle est de toutes les aventures intellectuelles du 20ème siècle commençant… car elle recherche l’Aventure, le frisson, l’excitation nerveuse et intellectuelle qui l’arrachent à sa vie de femme du monde. Et l’Aventure, elle la trouve, ou presque, en pratiquant, à la suite d’Albert Londres, le journalisme d’investigation.

Drôle de reportage, donc… où la journaliste, jolie femme brune de 25 ans, paie de sa personne au gré d’aventures qui la voient frôler le danger… mais l’éviter de justesse à chaque fois. Femme de chambre dans un claque, sous-maîtresse chez « Ginette », danseuse dans un bar lesbien, elle visite aussi un hôtel à gigolos, un bar qui s’avère un repaire de souteneurs, etc  : aucun aspect du vice à Paris ou au Havre ne lui est inconnu.

Annonce

Ecrit d’une plume alerte, célinienne avant l’heure, le reportage a l’ambition de se hisser à la réflexion générale et se hasarde dans la typologie : les personnes prostituées, comme les clients, sont classées : la Négresse, la femme du monde, la fausse mineur … répondent à Monsieur-mystère ou à Monsieur-chronomètre.

Aventurière et aventureuse, Maryse Choisy l’est assurément, femme du monde et femme de lettres, sans doute plus encore. Son regard sur les personnes prostituées n’est pas exempt de préjugés, sociaux sinon moraux et sa plume est souvent trempée dans la satire facile ou la crudité inutile. Cependant, la conclusion qu’elle tire de son mois chez les filles est sans appel : il faut tout simplement supprimer les bordels, c’est une habitude périmée (…) un esclavage individuel, et de récuser les arguments hygiénistes habituels par un cinglant il n’est qu’une façon de bannir la syphilis, c’est d’examiner le client. Vendu à 450000 exemplaires, le reportage eut sans doute plus de succès par son caractère pornographique, aux dires des censeurs, que par cette conclusion progressiste…