Maintenant, on se lève et on les écoute. Le dossier de notre revue est consacré ce trimestre à la parole des personnes en situation de prostitution et survivantes qui doit, elle aussi être enfin écoutée !
Un chemin considérable a été parcouru depuis les années 1970 : dévoilement
de l’étendue des violences sexuelles reconnues comme atteinte fondamentale aux droits humains, connaissance des mécanismes, évolution des législations…
Un combat patient mené par les femmes elles-mêmes et appuyé sur leur parole.
Un des faits majeurs des années 2010 a été le mouvement #metoo, exceptionnelle libération de la parole des femmes dénonçant leurs harceleurs, agresseurs et violeurs, et appelant à la fin de l’impunité. Leurs témoignages ont été fondamentaux pour faire basculer les représentations, notamment sur la notion de consentement et la mise au jour de l’inceste.
Alors, pourquoi n’en est-il pas de même pour la prostitution, dénoncée depuis des décennies dans de multiples livres, films ou témoignages produits par les intéressées ? Pourquoi la société leur oppose-t-elle une surdité persistante ? Avec ce dossier, nous montrons combien la parole de ces femmes parmi les plus opprimées est puissante et porteuse d’émancipation pour notre société toute entière. Alors, écoutons-les !
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Sommaire du dossier : maintenant, on se lève et on les écoute
1- LA PAROLE EMPÊCHÉE
Le système prostitutionnel organise le silence. C’est le silence qu’impose le proxénète, par la force ou la manipulation. C’est le silence que vient acheter le prostitueur : un billet est l’assurance que la victime se taira. Un système verrouillé.
- Un besoin vital de parole
- #metoo, le chaînon manquant
2- LES CONDITIONS DE LA PAROLE
La parole mûrit. Et pour mûrir, elle a besoin de celle des autres, d’une pensée qui est une révélation : « je ne suis peut-être pas seule ». Face aux freins (voir page suivante), voici les circonstances propices à la prise de parole.
- Le féminisme, un catalyseur
- Partager son expérience
- Des pistes thérapeutiques
- L’irremplaçable soutien associatif
- Le cadre légal
ENCADRÉ : ROSEN, UNE PASSEUSE
« Pour moi, le point de départ vers une nouvelle vie a été la parole entre survivantes. » C’est en entendant Rosen en 2013, où elle intervenait publiquement aux côtés de Laurence et Nathalie à la Machine du Moulin Rouge, que Daria dit avoir eu « un électrochoc » : « À chaque mot qu’elle prononçait, je pouvais dire “moi aussi”. Jusque là, j’étais dans un déni si fort que j’avais réussi à me cacher la réalité.
Il fallait qu’une autre ait les mots. » Même révélation pour Alexine : « J’ai contacté Rosen qui m’a fait connaître le monde associatif. Je me suis retrouvée avec elle à Mayence, au congrès de CAP international, dans une salle où il n’y avait que des survivantes ! Chaque prise de parole était géniale. Je me suis dit : je ne suis pas folle, je ne suis pas seule. C’était ma vie à travers leurs yeux. Nous nous sommes prises dans les bras. Cette solidarité a été thérapeutique. »
3- DES FREINS INNOMBRABLES
- Le regard des autres
- La honte
- Le déni
- Le risque de représailles
- La stratégie de l’agresseur
- La réactivation du traumatisme
ENCADRÉ : SUREXPOSÉES, MAIS MUETTES
Le silence des femmes qu’on prostitue a traversé l’histoire. Il a fallu 50 ans aux « femmes de réconfort » soumises à l’abattage sexuel par l’armée japonaise, pour que la parole sorte. En 2013, Laure Adler, autrice d’une Vie quotidienne dans les maisons closes, constatait que les prostituées, « restées sans voix », avaient toujours été racontées par les hommes. Elle osait écrire : « C’est donc à partir du vacarme et de la rumeur de la littérature prostitutionnelle masculine que je vais tenter de restituer partiellement des fragments de leur histoire. » L’équivalent d’une histoire des gazelles racontée par les lions…
4- EN FINIR AVEC LA « CONSPIRATION DES OREILLES BOUCHÉES »
Les personnes prostituées témoignent, dépensant une énergie incommensurable. Elles prennent des risques pour faire entendre la réalité du système prostitutionnel. C’est à nous d’écouter et d’agir en connaissance de cause. Petit tour d’horizon des bonnes pratiques.
- Un déluge de publications
- L’idéologie du « travail du sexe »
- Médias, la parole tronquée
- Accueillir la parole
- Une parole traumatique
BON À SAVOIR
Les numéros à connaître
• Le CFCV dispose de deux permanences téléphoniques :
– Viols Femmes Informations (ligne historique) : 0 800 05 95 95 – Violences sexuelles dans l’enfance (depuis 2021) :
0 805 802 804
• Fédération Nationale Solidarité Femmes : 3919
À lire également, notre actualité rencontre avec Florie Fonterme : « l’écriture autobiographique est un facteur puissant de changement ».
Quelques livres écrits par des survivantes :