Comment expliquer la prostitution des mineur·es dans nos pays vivant en paix, où l’État assure une certaine protection sociale,? Des psychologues de l’université de Linkoping en Suède, ont cherché à décrypter les motifs de la prostitution chez les mineur·es. Leur travail met en évidence chez ces jeunes des signes de traumatismes liés à une sexualité non consentie et ce, quelle que soit la raison invoquée pour expliquer leur entrée en prostitution.
Intitulée « Les raisons pour lesquelles des adolescent·es vendent du sexe dans un État-Providence », l’étude a interrogé 5 839 adolescent·es de moins de 18 ans. Parmi eux·elles, 51 ont déclaré une activité prostitutionnelle. Ces jeunes pouvaient ensuite communiquer la raison pour laquelle, à leur avis, ils ou elles avaient commencé à vendre des actes sexuels. Les motifs proposé couvraient de nombreuses possibilités : « besoin d’argent », « recherche d’expérience sexuelle », « influencée par un·e pair », « sous consommation de stupéfiants », « anxiété », « demande du petit ami », « forcé·e », etc.
Les psychologues ont ensuite thématisé leurs réponses pour pointer les trois facteurs principaux apparaissant comme motifs d’entrée dans la prostitution.
Majoritaire parmi les 51 jeunes interrogé·es, le facteur d’ordre psychologique et émotionnel pousse les jeunes à se lancer dans une activité prostitutionnelle à cause de carences affectives, d’un besoin de reconnaissance, d’une détresse psychologique, de l’influence des pairs et des « clients », d’une orientation sexuelle difficile à assumer ou encore de la recherche d’un traumatisme pour raviver des violences vécues dans l’enfance (phénomène appelé « mémoire traumatique »).
Violences sexuelles : une expérience fréquente
Pour ces adolescent·es qui pratiquent une activité prostitutionnelle dû à un facteur émotionnel, la violence psychologique ou sexuelle est une expérience très fréquente. En effet, la majorité de ce groupe subit ou a subi des agressions sexuelles (82%) et la moitié est touchée par un phénomène de dissociation (53%). Il est à noter que 75% des « clients » de ce groupe de mineur·es prostitué·es ont plus de 25 ans.
La raison matérielle est le deuxième facteur observé avec l’expression d’un besoin d’argent ou de se procurer des stupéfiants : les jeunes se prostituent pour s’assurer un revenu. La majorité des jeunes s’identifiant à ce facteur n’invoquent pas un facteur psychologique en parallèle. Pour ces jeunes, le risque de subir des agressions sexuelles est également dominant (58%). 83% des « clients » de ce groupe de jeunes sont âgés de plus de 25 ans.
Enfin, le troisième facteur d’entrée, moins représentatif, est la recherche d’expériences sexuelles. Les jeunes concernés par cette catégorie sont à 80% des garçons. Ici la recherche de plaisir, de nouvelles pratiques sexuelles ou la sexualité festive sont des motifs qui poussent les jeunes à une pratique occasionnelle.
Des symptômes traumatiques
L’étude relève par ailleurs que la majorité des adolescent·es de ces trois groupes manifestent des symptômes traumatiques liés à une sexualité non consentie : c’est également valable pour les jeunes entrés en prostitution sous prétexte de rechercher de nouvelles expériences sexuelles. Il est donc important de rappeler que même si l’adolescent·e semble avoir choisi de pratiquer la prostitution, l’achat d’un acte sexuel de mineur·es est interdit et sévèrement puni par loi : c’est un acte dont les conséquences restent gravissimes pour la victime quelles que soient les conditions dans lequel il s’exerce.
Les raisons d’entrée dans la prostitution sont multifactorielles, néanmoins comme le confirme cette étude, des facteurs sont prévalents et invariants : rupture familiale, maltraitances dans l’enfance, fugue, carences affectives, besoin urgent d’argent.
Pour accompagner au mieux ces jeunes, le rapport livre plusieurs recommandations, visant particulièrement à améliorer la prise en charge des traumas et des addictions par des soins spécifiques ; favoriser la reconstruction de l’estime de soin, avec éventuellement un travail sur le rapport à l’argent ; et face à des mineur·es évoquant de gros besoins matériels, d’identifier une potentielle rupture familiale (ou un projet de fugue).
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