Charte éthique du porno : « une couche de peinture sur de la merde »

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Avoir pour seule réponse aux violences sexuelles commises dans le porno une charte éthique, faut-il s’en étonner ? Point sur les i.

Quand la société Dorcel, numéro un de « l’industrie porno » en France, a annoncé son intention de créer une « charte éthique » du porno, on n’a pu s’empêcher d’avoir un petit rire gêné. Et d’approuver Amelia, survivante, qui affirmait, dans un témoignage à Mediapart, que ce serait un peu comme « mettre une couche de peinture sur de la merde ».

Mais quand la charte est sortie, le 21 avril 2021, on a cessé de rire devant l’ampleur de l’imposture.

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Passons sur l’opportunisme. Vraiment, Dorcel a attendu les affaires Jacquie et Michel et OP et les dénonciations de violences sexuelles, proxénétisme, traite des êtres humains et tortures subies par les actrices, pour se rendre compte qu’il y aurait un problème, nécessitant une « charte éthique » ?

Passons encore sur le préambule, qui ose se réclamer de la déclaration universelle des droits de l’homme. On leur dirait bien que oui, ils défendent fort bien des droits de l’homme, celui qui aime avoir à disposition des femmes pour du sexe…

Vous avez dit consentement ?

Parlons de la charte éthique du porno elle-même.

La question centrale est celle du consentement : « Le consentement des acteurs et des actrices quant aux pratiques sexuelles doit être clair, préalable, libre et éclairé ». Pour faire respecter ce consentement, l’article 2 pose pour principe le « droit au contrat ». Doit y être écrit le consentement à telle ou telle pratique sexuelle.

Or, le simple fait d’écrire un consentement à une pratique sexuelle dans le contrat annule sa possibilité même. Car cela signifie que l’employeur peut se retourner contre l’employé·e si celle-ci ne respecte pas les pratiques acceptées à l’avance. Mais, pour que le consentement en matière sexuelle ait un sens, il faut qu’il soit, à tout moment, réversible…

Un droit de retrait (sic)

Mais ils ont pensé à tout ! Pour y remédier, la charte prévoit un « droit de retrait » (sic). Le contrat peut être annulé « sans frais » «s’ ils ou elles ne sont pas à l’aise avec le ou les partenaires sexuels et/ou des pratiques non prévues pour sa prestation ou en cas de gêne physique ou psychologique sérieuse pouvant impacter leur santé ».

Pour la première partie, on est en plein délire. Il faudrait écrire dans une charte qu’une personne a le droit de ne pas faire ce qui n’est pas dans son contrat (et d’ailleurs aussi qu’elle a le droit à un contrat) ? Ensuite, en admettant qu’on accepte qu’un acte sexuel puisse être imposé par contrat, ce que nous ne faisons pas, alors, qui sera la personne qui décide d’évaluer ces « raisons sérieuses » à même de justifier le droit de retrait ?

La charte a pensé à tout : elle prévoit dans son article 4 « l’instauration d’un tiers de confiance » . Il « assure une fonction de médiation » et est « mis à disposition par la production », « exerce librement sa mission » et « a les moyens de s’assurer le respect du consentement ». À ce moment de la lecture, on ne pleure plus, sinon de rire… désespéré.

Oublions la charte pour mettre les points sur les i : le principe de la liberté sexuelle, du consentement éclairé, c’est qu’à aucun moment, la personne qui souhaite mettre fin au rapport, ne doive justifier de ses raisons ou sa « gêne ».

C’est juste son droit humain inaliénable de ne pas se soumettre à un acte sexuel si elle ne le veut/désire pas. Il est donc éthiquement impossible d’imposer un acte sexuel par contrat. Ni de mariage, ni de prostitution, fut-elle filmée. Il ne peut donc y avoir de charte éthique du porno.

A lire également : une tribune historique contre la prostitution filmée 

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