Les proxénètes et les « clients » tuent

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alaïs

Les personnes prostituées continuent de payer un tribut considérable à la violence patriarcale. Car leurs exploiteurs peuvent tuer : « clients » sùrs de leur droit de propriété, proxénètes prêts à tout pour conserver leurs esclaves sexuelles.

Ces dernières semaines, plusieurs noms sont venus s’ajouter à l’interminable cohorte des victimes de féminicides : Jessyca, fauchée volontairement par une voiture au Bois de Boulogne ; Alaïs, 18 ans, poignardée par son proxénète parce qu’elle avait, semble-t-il, pris des distances avec le réseau qui l’exploitait (l’autopsie a montré « la sauvagerie et la brutalité de l’agression[1] ») ; Olivia, étranglée par un « client », et dont le corps en partie calciné et dénudé a été retrouvé dans un parc. Trois parmi d’autres.

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Le milieu prostitutionnel a toujours été d’une violence inégalée. Il a toujours tué, comme le Mouvement du Nid le relève depuis des décennies. Il continue. Proxénètes et « clients » agressent et assassinent, comme ces maris ou compagnons qui frappent ou tuent celle qui exprime son désir d’échapper à leur domination. Car, c’est bien de domination qu’il s’agit. De la domination que certains hommes exercent sur des femmes qu’ils considèrent comme leur chose.

La seule nouveauté, c’est que ces meurtres ont cessé de compter pour rien. Ils deviennent intolérables. Les médias en font état. Il se trouve pourtant des personnes pour instrumentaliser ces meurtres en les attribuant à la loi de 2016 qui pénalise désormais les « clients » prostitueurs. Tout est bon à prendre quand il s’agit d’avoir la peau d’une loi qui, en réalité, n’a qu’un tort, entraver la liberté d’un commerce lucratif auquel certains tiennent par dessus tout.

Si la loi est en cause, on se demande pourquoi cette liste sans fin d’agressions et de morts violentes n’a pas commencé en 2016 ; et pourquoi tant de féminicides ont lieu dans la sphère conjugale où, que l’on sache, il ne se trouve aucune loi pénalisant les maris censée pouvoir opportunément les expliquer.

Rappelons les faits. La loi du 13 avril a justement permis de dépénaliser les personnes prostituées, auparavant passibles d’amendes et de peines de prison pour racolage ; elle affirme pour la première fois que leur vulnérabilité est une circonstance aggravante en cas de violences sexuelles et de meurtres. Enfin, elle prévoit, entre autres, des titres de séjour pour les étrangères. Qui oserait renier de pareils progrès ?

Maintenant, l’urgence est d’agir. Mais pour que ces meurtres cessent, faut-il vraiment dédouaner les « clients » de toute responsabilité et les ré-encourager à « consommer » ? L’honnêteté, précisément, oblige à rappeler le meurtre en septembre 2019 de Marlène, retrouvée découpée en morceaux à Évian-les-Bains… Elle était prostituée en Suisse où le « client » est roi.

La libéralisation, qui profite aux « clients » comme aux proxénètes et trafiquants n’est manifestement pas la route à suivre. Appliquons plutôt la loi de 2016 qui marque un pas décisif vers un changement des mentalités en luttant contre des comportements devenus inacceptables, et donc contre les violences qui en sont inséparables.

[1] France 3 Occitanie, 13 février 2020.