Philippe Brenot, psychiatre

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Dans la prostitution, l’homme paie pour que la femme ne puisse pas poser de limites…

Qu’en est-il des besoins sexuels irrépressibles des clients de la prostitution ?

Il n’y a pas de besoin sexuel. Le sexe est culturel, il est le fruit d’un apprentissage. La neurobiologie n’a aucun argument pour justifier ce prétendu instinct. Cela peut paraître curieux, mais rien ne pousse inéluctablement un petit humain à s’accoupler et à se reproduire. Chez les primates non plus, il n’y a pas d’instinct. On se rend compte que le désir d’accouplement est culturel. Psychologique. Si l’on isole un chimpanzé de ses congénères et qu’on le fait réintégrer son groupe à la puberté, il est dans l’incapacité de s’accoupler. Les autres ont appris le corps à corps, le schéma corporel de l’autre, tout un tas de choses d’ordre relationnel qui sont nécessaires pour que la compétence sexuelle s’exprime.

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Chez les humains, c’est plus compliqué. Il y a des faits de cultures, des codes entre les partenaires, une construction des représentations. Il n’y a pas de pulsion sexuelle innée qui pousse à l’accouplement mais un développement des compétences sexuelles. Les comportements sont très différents chez les garçons et les filles. Chez le garçon se met en place le réflexe de l’érection. Ce réflexe de l’érection n’a rien à voir avec le désir. En grande partie, le petit garçon va fonder son identité sur l’érection. S’il n’en a pas, il perd son identité.

L’érection, c’est l’identité masculine. A partir de là, il y a une confusion ; le même organe sert à uriner, à éjaculer, à pénétrer. Beaucoup d’hommes vont alors penser le tout en termes de besoin et vont s’engager dans une confusion : besoin urinaire, besoin sexuel… C’est très difficile pour un homme de faire la part entre le désir, l’amour et l’érection.

Sans manger, sans uriner, je ne pourrai pas vivre. Sans relation sexuelle de toute ma vie, il ne se passera rien. Si : une frustration. Il n’y a pas de besoins naturels, il y a le fait d’accepter ou pas la frustration. Certains hommes se calent sur le désir de leur partenaire, d’autres vivent une frustration et l’appellent besoin : ce sont de gros bébés qui ne sont pas construits. Le vrai problème, c’est la frustration. Les hommes pensent que les femmes ont le pouvoir de leur permettre ou pas d’accéder à la sexualité, ils les vivent donc comme castratrices, frustrantes. Dans la prostitution, l’homme paie pour que la femme ne puisse pas poser ces limites.

La prostitution est-elle en mesure d’éviter les viols ?

Bien sùr que non ! La raison en est simple. On est organisé dans sa structure comme un violeur ou un abuseur ; on ne devient pas abuseur du jour au lendemain. Ou alors c’est qu’on l’était de toute façon. Quand le viagra est apparu — j’étais dans la commission ministérielle qui a réfléchi à sa mise sur le marché — nous étions quelques psychiatres stupéfaits d’entendre des urologues, des gens qui ne connaissent pas la sexualité, nous dire : mais avec ce produit, il va y avoir des violeurs !

En tant que psychiatres, nous savions que ce n’était pas possible. Un produit qui aide l’érection ne fait pas un violeur. Un pédophile est pédophile dans sa structure. Sans prostituée, un homme sera frustré ; ce n’est pas pour autant qu’il se transformera en agresseur.

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.