Belgique : Le sida, une maladie professionnelle ?

Point sur les i : le sida, une maladie professionnelle ?

La récente mesure annoncée en Belgique par le ministre des Affaires sociales en dit long
sur les logiques libérales à l’œuvre en Europe. Le gouvernement belge reconnaît désormais plusieurs maladies infectieuses comme maladies professionnelles pour les « travailleurs et travailleuses du sexe » sous contrat de travail. Annoncée triomphalement, cette mesure vise à leur permettre « d’accéder plus facilement à une indemnisation en cas d’infection liée à leur activité ». On a bien lu.

Vanté dans la presse et célébré par des élus, y compris de gauche, ce « tournant pour
les droits des travailleurs du sexe » en est-il un ou plutôt un pas de plus en faveur du vrai bénéficiaire de la vieille institution prostitutionnelle, le prostitueur ? Car c’est bien lui qui se voit ainsi délivrer le droit de transmettre le VIH, la syphilis, l’hépatite B, le papillomavirus, la chlamydiose, la gonorrhée, la trichomonase et autres joyeusetés aux femmes qu’il exploite sexuellement.

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La logique est en marche. Reste à faire entrer ses tentatives d’étranglement dans la rubrique « accidents du travail » ; et à assimiler les féminicides perpétrés par lui ou par un proxénète, à des chutes d’échafaudage; toutes agressions et féminicides parfaitement connus puisque les autorités ont imposé aux « managers » l’obligation de faire installer des boutons d’urgence permettant aux femmes d’appeler au secours dans le cadre de leur « profession ».

À lui, tous les droits ; à elle, celui de se taire puisqu’on va l’indemniser. De même que
le prostitueur la paie pour qu’elle « consente » à ce qu’elle refuse (sinon, pourquoi l’argent), l’État prétend la dédommager de peur qu’elle porte plainte pour les dangers auxquels sa « profession » l’expose.

Sida, Covid, maladies pros ?

Comme au temps du Covid, où les proxénètes suisses étaient parvenus à rouvrir les bordels au prix d’une charte grotesque mettant en danger la santé des femmes, les autorités belges sont prêtes à tout pour que rien ne vienne entraver les formidables recettes fiscales qu’apporte le commerce du sexe. Tant pis si ce commerce est celui de la violence sociale, du sexisme, du racisme et de la misogynie.

Quand on s’est échiné à créer un « contrat de travail » prostitutionnel assorti d’une prétendue couverture sociale, comme la Belgique s’en est vantée en décembre 2024, il faut bien trouver un moyen de contourner les déplorables réalités du « travail » ainsi créé. Les dérogations en rafale apportées au « contrat » en montraient déjà l’inanité.

Depuis, la fameuse loi fait un flop. Aux dernières nouvelles (septembre 2025), une seule
« entreprise » (un bordel) a été agréée. Sans surprise, les contrats de travail promis sont donc des arlésiennes. Mais la Belgique continue d’avancer, droit dans le mur. Au lieu de tout faire pour en finir avec un prétendu « travail » qui expose aux agressions et aux maladies, elle choisit de l’institutionnaliser en se parant au passage d’une médaille de générosité. Celle du cynisme plutôt : cynisme du capitalisme, cynisme du patriarcat, qui, main dans la main, font le maximum pour garantir à perpète le droit sexuel masculin. Au prix de la santé des femmes, de leur sécurité et même de leur vie.

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.