L’Espagne, en pointe sur la lutte contre les violences faites aux femmes, en retard sur l’abolition ? Pas si sùr. Le nouveau gouvernement de Pedro Gonzalez est clairement abolitionniste et s’oppose à la création d’un syndicat se revendiquant du « travail du sexe ». Quant à l’ONG Medicos del Mundo, le Médecins du monde espagnol, elle ne prend pas la même voie que son homologue en France, avec une campagne « Yo no soy Putero », je ne suis pas « client ».
Ainsi, si en France Médecins du monde se prononce pour la « dépénalisation totale du travail du sexe », en Espagne, l’ONG se tient aux côtés des abolitionnistes. Membre comme le Mouvement du Nid de CAP international (Coalition pour l’abolition de la prostitution), c’est une des principales associations de terrain en Espagne qui oeuvre auprès des personnes prostituées.
Pour la journée contre la traite (23 septembre), elle a lancé une campagne de sensibilisation contre le recours à l’achat d’actes sexuels dans un pays où les hommes seraient plus d’un sur cinq à « consommer » des femmes. Avec cette campagne « Je ne suis pas client », déclinée en photos, vidéos et témoignages, l’association espagnole adopte une position claire aux côtés des personnes prostituées et contre le système prostitueur.
« L’Espagne est le deuxième pays européen et le troisième au monde pour la demande de sexe tarifé, ce qui est une des causes de l’exploitation sexuelle des femmes dans notre pays, tout comme les inégalités de genre », peut-on lire sur le site de la campagne. « Avec cette campagne », explique encore l’association, « nous voulons interpeller les hommes qui n’achètent pas de sexe parce qu’ils veulent créer des relations égalitaires avec des femmes, sur des modèles affectivo-sexuels basés sur l’égalité entre les femmes et les hommes, des hommes qui s’éloignent des modèles hétéro-patriarcaux et considèrent la prostitution et l’exploitation sexuelle des femmes comme des formes de violences de genre ».
Photo Medicos del Mundo
Un gouvernement abolitionniste
Par ailleurs, en juin dernier, l’Espagne s’est dotée d’un nouveau gouvernement avec, à sa tête, Pedro Sanchez, issu du PSOE (le parti socialiste ouvrier espagnol), suite à la motion de censure votée contre l’ancien premier ministre Mariano Rajoy. Ce changement politique s’accompagne d’un virage abolitionniste : le nouveau gouvernement et le PSOE se sont en effet clairement prononcés en faveur du modèle abolitionniste franco-suédois. Mais, c’est une initiative de l’industrie du sexe qui a réellement relancé le débat cet été. En effet, des entrepreneurs de l’industrie du sexe ont créé un syndicat, OTRAS, qui, à l’image du STRASS en France, prône réglementation et dépénalisation du proxénétisme. La création du syndicat, qui s’est faite suite à une « erreur administrative » selon le gouvernement, a provoqué la colère de la ministre du travail qui a affirmé que le syndicat ne serait pas autorisé. Reste maintenant au gouvernement à prendre des mesures concrètes et à trouver une majorité parlementaire pour les faire accepter. En effet, si le Parti populaire, s’est prononcé en faveur du modèle suédois tout récemment, Podemos, le parti de gauche qui a permis au nouveau gouvernement d’être élu, n’a pas pris de position officielle. En Espagne, la prostitution n’est pas légale, mais pas non plus définie juridiquement. De fait, elle prolifère – plus d’un Espagnol sur cinq reconnaît recourir à la prostitution. CAP international, la Coalition pour l’abolition de la prostitution dont le Mouvement du Nid fait partie, et qui fédère deux associations espagnoles : CIMTM et Médicos del Mundo, propose des mesures concrètes immédiatement applicables sur la voie de l’abolition :
• Amender son Code pénal afin d’interdire le proxénétisme sous toutes ses formes, y compris le proxénétisme immobilier qui consiste à tenir, louer ou mettre à disposition un lieu de prostitution ;
• Fermer en conséquence l’ensemble des bordels et autres établissements de prostitution sur son territoire ;
• Introduire une nouvelle infraction pénale sanctionnant le recours à la prostitution d’autrui, accompagnée de circonstances aggravantes lorsque la victime est une personne mineure ou vulnérable ;
• Créer des « stages de responsabilisation » des clients prostitueurs sous forme de peine complémentaire ou alternative aux poursuites judiciaires;
• Mettre en place une campagne d’information nationale sur les réalités de la prostitution en tant que violence sexuelle et obstacle à l’égalité entre les femmes et les hommes;
• Mettre en place une politique nationale de « sortie de prostitution » incluant un accès aux droits, à la santé, à l’emploi, à un titre de séjour de protection, à un hébergement et à un accompagnement social global pour toutes les personnes prostituées, y compris étrangères, désireuses de quitter la prostitution ;
• Rendre systématique la saisie des biens des proxénètes et trafiquants et l’indemnisation financière de leurs victimes