Les putes sont des hommes comme les autres, de Fabienne Juhel, est paru fin août aux éditions Le Goater et raconte la Fronde des prostituées de Lyon en 1975
Soutenues par le Mouvement du Nid, plusieurs dizaines de femmes prostituées avaient occupé l’église Saint-Nizier à Lyon en juin 1975. 50 ans après, l’autrice Fabienne Juhel pénètre dans l’église aux côtés des femmes en révolte pour en faire le récit.
Le livre de Fabienne Juhel est une fiction inspirée de l’occupation de l’église, de ses prémices à l’évacuation par la police. Fabienne Juhel a puisé dans les archives présentes sur Internet et le film de Carole Roussopoulos Les prostituées de Lyon parlent tourné sur place pour raconter cet événement.
Aux figures connues de l’époque, les « leaders » Ulla et Barbara, Fabienne Juhel a ajouté dans son roman des portraits de femmes inventées, chacune ayant un profil plus ou moins « typique » d’un parcours prostitutionnel. On suit ainsi « Colette, Sylvie, Claude, Karen et les autres
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] », dans leur quotidien avant d’entrer au cœur de l’église.
L’autre source principale de l’autrice, c’est le film de Carole Roussopoulos. Elle raconte ainsi comment la vidéaste féministe qui documentait les luttes de l’époque avec sa caméra vidéo légère est venue très vite la poser dans l’Église de Lyon.
Mais alors que Roussopoulos n’a fait que poser la caméra et n’a jamais fait d’interviews, Fabienne Juhel l’imagine recueillir les témoignages individuels de chaque femme. Un dispositif qui permet de faire le récit de leur parcours, souvent assez typique de l’entrée en prostitution.
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Les putes ne sont pas des hommes comme les autres et l’histoire
L’autrice ne fait pas l’impasse sur la présence, aux côtés des personnes concernées, du « Nid » lyonnais. Ainsi, le père Louis Blanc, qui fut un grand militant lyonnais décédé il y a 5 ans est évoqué, tout comme le père Christian Delorme, un des derniers témoins directs aujourd’hui encore vivants.
Tous deux ont significativement aidé et soutenu les femmes de La Fronde à s’organiser, et à contacter la presse, se faisant le relais de leurs revendications.
D’autres protagonistes de l’association sont mentionnées, comme « les féministes du Nid », ce qui nous a fait sourire, car peu de membres de l’association se disaient féministes à l’époque… un anachronisme ? Selon Fabienne Juhel, ce seraient des femmes qui ont occupé l’Église qui auraient prononcé ces mots pendant l’occupation.
Les revendications et la sympathie de la population sont par ailleurs bien rendues dans le livre.
Autre anachronisme, l’autrice emploie beaucoup l’expression « travailleuse du sexe », dont on doit rappeler qu’elle n’existait pas à l’époque. Et, si les revendications des femmes dans l’église portaient sur une « amélioration de leurs conditions de travail », c’était surtout le harcèlement policier de l’époque, et les menaces d’emprisonnement qui ont provoqué la révolte. Les « clients », elles n’en parlaient pas. Est-ce parce qu’elles étaient toutes suivies de près par leur conjoint proxénète ?
Le rôle d’Ulla
À la lecture du livre, on doit aussi évoquer Ulla, leader du mouvement, présentée sous un jour plutôt négatif, comme une personne qui imposerait sa loi dans l’église, à toutes sauf à elle-même. L’histoire aura décidément souvent été dure, voire injuste avec elle. Certes, elle était alors sous les feux de la rampe, mais aucun coup ne lui a été épargné… Surtout, elle a vite contesté le mirage d’une prostitution choisie, ce qui n’arrange pas ceux qui ont fait de Saint-Nizier un événement fondateur de la lutte « des travailleuses du sexe ».
Ulla ayant décidé de ne plus apparaître publiquement depuis plusieurs années, elle ne peut plus se défendre, c’est dommage.