Girls of Paradise : quand la réalité s’impose aux « clients » de la prostitution

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Des milliers de sites de prostitution prolifèrent sur Internet, pour le plus grand profit des proxénètes et en toute indifférence, tandis qu’en silence, les personnes prostituées sont exposées à  des violences allant jusqu’à  la mort. La campagne « Girls of Paradise » lancée par le Mouvement du Nid[[Le Mouvement du Nid, association de soutien auprès des personnes prostituées, est l’éditeur de ce site.]] a fait voler en éclat le confort des « clients » pour mieux toucher l’opinion publique.

Septembre 2016. En apparence, « Girls of paradise » est un site comme tant d’autres, catalogue de personnes destinées à  la consommation sexuelle : jeunes femmes en lingerie, descriptifs de prestations sexuelles formatés…

Faux profils, tragédies bien réelles

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Mais le site est en réalité un dispositif imaginé par l’agence McCann pour le Mouvement du Nid. Au bout du fil, ce n’est pas une personne prostituée qui répond mais une sympathisante de l’association, qui révèle au « client » l’histoire vraie qui se dissimule sous le profil convoité.

— Je t’appelle par rapport à  ton annonce sur le site, j’aimerais savoir quelles sont tes pratiques et tes tarifs… , demande l’un.
— Tu cherches à  joindre Inès, répond notre sympathisante, mais ce ne sera pas possible. Inès est morte. Elle a été jetée d’un pont par son proxénète.

Tous les faits rapportés lors de ces échanges sont réels. Agressions, viols, meurtres, suicides, cette atroce litanie résonne dans les permanences du Mouvement du Nid. Nous l’avons partagée avec un interlocuteur qui choisit d’ordinaire d’ignorer ces drames – pourtant inséparables de sa pratique de « client ».

Dans le système prostitutionnel, et c’est d’autant plus facile en ligne, tout est fait pour garantir la tranquillité d’esprit des « clients », constate Claire Quidet, porte-parole du Mouvement du Nid, qui était une des interlocutrices des « clients » piégés. Pour conclure la transaction dont elle a désespérément besoin, la personne prostituée donne toutes les apparences du consentement, et les proxénètes créent le décorum idéal pour que les hommes « consomment » sans complexes.

L’agence McCann réalise, à  partir de ces échanges sur le vif, une vidéo coup-de-poing pour surprendre le grand public et l’amener à  partager sa prise de conscience. Cet énorme marché, qui fait la fortune des proxénètes et ne tient que par l’exploitation brutale des personnes prostituées, a pignon sur web, regrette Christine Blec, secrétaire générale du Mouvement du Nid. Nous voulons faire connaître la réalité de la prostitution, mais nos moyens sont mille fois inférieurs à  ceux de l’industrie du sexe. Il fallait donc miser sur une campagne un brin provocante, qui fasse parler d’elle. Nous voulons que chacun, chacune partage ce constat simple : tout acte sexuel acheté repose sur l’exploitation d’une personne, et cela a un coùt humain terrible.

Pour diffuser ce message, le site www.girlsofparadise.sex reste actif après la campagne. Les profils afficheront au premier « clic » les photos des comédiennes maquillées comme après leur décès ainsi que le message révélant leur fin tragique.

L’inébranlable « droit à  consommer »

L’expérience n’a pas la valeur d’une enquête sociologique ; cependant, difficile de ne pas faire ce constat : nos révélations n’ont entraîné aucune prise de conscience de la part des « clients ». De la surprise, bien sùr, mais rien au-delà .

Plusieurs « clients » nous ont écouté, ont fait part de leurs regrets pour la victime, puis ils rappelaient un peu plus tard une autre « fille » de notre site ! Rien n’a percuté, il y a une incapacité d’empathie, se souvient Anne-Marie Viossat, militante du Mouvement du Nid et une des répondantes. Pour Grégoire Théry, chargé de plaidoyer pour l’association, cette indifférence pour les personnes prostituées est à  la base du comportement des « clients », confortés par la logique toute puissante de leur droit à  consommer. Une logique qui prévaut à  toute autre considération et les pousse à  négliger les réalités les plus sombres.

Plusieurs études attestent que le fait, pour une majorité de « clients », de savoir que la personne prostituée est mineure, ou victime de la traite ou de proxénétisme, ne constitue pas une raison suffisante pour renoncer à  leur « achat ». Vous pouvez accédez à  ces études à  partir de notre dossier : art273.