Nos équipes agissant en prévention en Île-de-France signalent une certaine banalisation des situations pré-prostitutionnelles ou prostitutionnelles (mais non identifiées comme telles par les jeunes). Ce phénomène n’a rien de nouveau mais semble en forte augmentation désormais, entraînant une explosion des besoins des établissements en matière de prévention. En Île-de-France, le Mouvement du Nid a fait le choix d’une grande coopération entre ses quatre délégations départementales de Paris, Hauts-de-Seine, Essonne et Val-de-Marne. Cette stratégie s’avère payante pour faire face à ces nouveaux besoins.
Dans ce contexte de développement de la prostitution de mineur•es, nous avons misé sur la mise en commun des outils et la réflexion collective sur les pratiques. En Île-de-France, le travail de nombreux bénévoles, de plusieurs jeunes volontaires en service civique et de deux salarié•es permet d’offrir chaque année une action de prévention de grande ampleur, ambitieuse et plébiscitée par les établissements scolaires.
En 2018, plus de 5 800 jeunes francilien•nes ont bénéficié d’une action de prévention dans 12 collèges, 18 lycées, plusieurs salons et forums et 12 missions locales. Chaque intervention donne lieu à une remise aux jeunes rencontrés de brochures de prévention : plusieurs milliers ont ainsi été diffusées en 2018. Enfin, la pièce de théâtre forum Filles-Garçons, demain nous appartient[[À lire sur ce site : [art1365].]] est de plus en plus connue et réclamée par les établissements. 25 représentations ont été données en 2018, un record.
Les contenus abordés
L’action de prévention s’appuie sur 4 piliers : développer une éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle dans des termes positifs ; déconstruire les mythes autour de la prostitution ; aborder systématiquement les violences sexistes et sexuelles ; donner des outils pour une bonne estime de soi. Sur cette base, nous personnalisons l’intervention en accord avec les personnels socio-éducatifs de l’établissement afin de « coller » aux attentes et besoins identifiés des élèves.
Les élèves appartiennent à toutes les classes sociales ; les interventions se déroulent dans des établissements dits « difficiles » mais aussi dans d’autres qui bénéficient d’une très bonne réussite en termes de résultats et d’un climat scolaire serein. Dans ce dernier cas, nous notons des difficultés sur la question de l’estime de soi, un certain nombre d’élèves se plaignant d’être soumis à une pression très forte, notamment de la part des parents ; les relations filles-garçons apparaissent plus positives mais ne sont pas épargnées par les stéréotypes.
Au collège, l’équipe intervient sur le sexisme et l’égalité filles-garçons, la découverte de la vie affective et sexuelle, l’estime de soi ; au lycée, les thèmes de la prévention des risques prostitutionnels, des violences sexuelles et du cyber-harcèlement sont approfondis. L’outil de théâtre forum est particulièrement adapté à cette classe d’âge.
L’approche pédagogique mise sur la participation des élèves, grâce à des supports permettant l’interactivité, construit les interventions sur mesure en fonction des établissements et des tranches d’âge. Lors des interventions en théâtre forum, avec la pièce Demain nous appartient, les élèves se prêtent au jeu et s’approprient les débats, grâce au travail d’animation très professionnel de la troupe. Les jeunes imaginent des solutions concrètes pour savoir réagir face à une situation de violence, qui sont ensuite validées ou discutées par les animateurs et animatrices. L’un des objectifs est de travailler le réflexe d’appel à l’aide et l’identification des personnes-ressources.
Les équipes sont confortées par les bons retours renvoyés par les établissements, qui les font revenir d’année en année et jugent que les interventions ont permis d’améliorer significativement le climat scolaire et notamment les relations filles-garçons. Les infirmières scolaires, les assistantes sociales confirment que ce travail complète de manière judicieuse leur propre intervention sur la vie sexuelle (contraception, IST…) menée auprès des mêmes élèves un peu plus tôt dans l’année.
Les équipes agissant en prévention en Île-de-France signalent une certaine banalisation des situations pré-prostitutionnelles ou prostitutionnelles (mais non identifiées comme telles par les jeunes). Ce phénomène n’a rien de nouveau mais semble en forte augmentation désormais, de même que le développement du proxénétisme à l’intérieur même des lycées (plusieurs signalements dans le département) avec des « recrutements » qui peuvent se faire directement par des camarades de classe. Certaines adolescentes disent aussi recevoir de plus en plus de sollicitations, potentiellement de la part de proxénètes, via les réseaux sociaux.
Les séances peuvent mettre à jour des problèmes cachés. Une jeune fille de 3ème a fondu en larmes lors d’une intervention : une photo humiliante d’elle circulait dans le collège depuis trois ans et personne ne s’en était jamais inquiété. Un élève de 6ème est venu dire aux inter- venants qu’il était addict au porno. Il allait sur Internet et son père lui donnait des revues. Il en souffrait mais n’avait jamais rencontré un adulte à qui en parler.
Les fiches d’évaluation communiquent également les retours des jeunes : Même si j’avais déjà quelques idées sur ce qu’on a appris, elles n’étaient pas toujours vraies, donc j’ai appris plein de choses et ne me suis pas ennuyée
, écrit une collégienne ; Ça m’a fait réfléchir parce que je ne parle pas souvent de ces sujets. Ça a permis d’entendre des témoignages autres que ceux de mes amis
, renchérit un élève de troisième. C’était bien parce qu’on ne parle jamais de ces sujets, on a pu poser toutes nos questions
, commente une lycéenne.