Indonésie : la politique de la rafle et du bulldozer

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Eradiquer la prostitution d’ici 2019. Les autorités du plus grand pays musulman du monde se drapent dans leur dignité outragée pour appliquer à l’aveuglette une désastreuse politique prohibitionniste. Mais il ne suffit pas d’envoyer la police pour en finir avec la prostitution.

6000 policiers, une armée de bulldozers… L’un des plus anciens quartiers chauds de Jakarta, Kalijodo, sans doute le plus grand d’Asie du Sud-Est, a été purement et simplement rasé le 29 février 2016. Des centaines de maisons, une soixantaine de bars, de cafés et de bordels clandestins, ont donc été rayés de la carte.

Le célèbre quartier de Dolly, à Surabaya, avait de son côté été vidé de ses 1400 femmes prostituées en juin 2014. Les autorités avaient prétendu se soucier de leur sort en leur proposant une somme de cinq millions de roupies (entre 300 et 400 euros) et une formation à une nouvelle profession, par exemple dans la boulangerie ou la fabrication de jouets. Mais il semble que l’opération n’ait pas été couronnée de succès. Selon la presse indonésienne, la prostitution aurait essaimé pour investir rues, hôtels, appartements, salons de massage et bars karaoké.

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Comment un pays qui a laissé prospérer un tel phénomène durant des décennies, et des milliers de personnes tirer leurs revenus du commerce du sexe (tenanciers, vigiles, taxis, marchands ambulants, restaurateurs…) pourrait-il régler la question avec des bulldozers ?

Les autorités fustigent l’impact négatif de la prostitution sur la société. Les quartiers visés sont en effet ceux de tous les trafics : femmes, drogues, alcool, armes, racket, jeux d’argent. Mais la méthode, axée sur la pure répression et le déni, est vouée à un échec cuisant si elle croit faire l’économie d’un vrai choix politique, pensé sur le long terme : amélioration de la situation des femmes, éducation, prévention du côté des « clients », lutte contre le proxénétisme… Un profond changement de société, audacieux et progressiste, dont il n’est pas sùr que les autorités soient de véritables adeptes.