Une année riche d’enseignements

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L’antenne du Mouvement du Nid en Martinique a rouvert officiellement en mai 2017, à l’issue d’un profond travail de repérage et de construction de partenariats.

Après un premier état des lieux basé sur la consultation d’archives de presse et de recherches universitaires, l’équipe a rencontré la Déléguée aux Droits des Femmes ; nos militantes ont également été reçues par la Croix Rouge, l’organisme agréé pour mettre en place les parcours de sortie.

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L’équipe a aussi échangé avec la directrice de l’association Fanm pou Fanm et adjointe au maire de Fort-de-France, et avec Chantal Luissint, de l’Observatoire Féminin de Guadeloupe, qui a conduit une recherche sur le phénomène de la prostitution dans ce département ; en effet, les mêmes femmes sont souvent prostituées sur les deux départements, Martinique et Guadeloupe, par les passeurs et les réseaux.

Les précédentes actions menées pour rencontrer et accompagner les femmes prostituées ayant été abandonnées, le Mouvement du Nid se positionne comme premier interlocuteur de terrain. Deux militantes du Mouvement du Nid ont entrepris d’aller à la rencontre, chaque semaine, des femmes en situation de prostitution dans le quartier des Terres-Sainville. Elles ont échangé avec une trentaine d’entre elles et les ont informées sur leurs droits.

Méconnaissance de leurs droits

Les femmes rencontrées sont presque toutes originaires de la République Dominicaine et beaucoup d’entre elles résident légalement sur le territoire,
car leurs enfants sont nés en Guyane française. Les plus jeunes font des aller-retour entre Fort-de-France, Cayenne et Saint-Domingue ; les plus âgées résident de façon permanente en Martinique.

Elles ont globalement un niveau de français très faible et méconnaissent les dispositifs d’aides sociales ainsi que leurs droits en tant que personne. De plus, elles sont souvent surendettées à cause des loyers très élevés (dont le loyer payé pour le local où elles effectuent les passes) et des différentes dettes accumlées. Par ailleurs, leur famille étant restée en République Dominicaine, elles envoient dès qu’elles le peuvent de l’argent à leurs proches.

Comme partout ailleurs, il s’est organisé tout un système économique autour de ces femmes, contrôlé par los tigres, le réseau criminel local. Ce sont eux qui ouvrent des maisons abandonnées pour ensuite les louer comme lieu de passe.

La pauvreté mène à la prostitution

Les liens sont inextricables entre les femmes et jeunes filles prostituées et les tigres, jeunes proxénètes impliqués dans divers crimes et délits, comme le trafic de stupéfiants et le contrôle des lieux de prostitution. Les personnes prostituées leur payent chaque semaine leur emplacement sur le trottoir et l’utilisation des maisons pour les passes.

La raison première pour laquelle les femmes et les jeunes filles sont amenées à la prostitution est économique, mais, une fois sur place, les dépenses dépassent largement l’argent gagné avec les « clients ».

Il existe des réseaux de trafiquants qui font transiter les femmes via le Suriname et la Guyane. Des femmes résidant en Martinique depuis plusieurs années sont également impliquées dans le recrutement de nouvelles filles, et sont à la fois victimes et oppresseurs.

Les femmes prostituées subissent une forte stigmatisation, elles vivent presque cloisonnées au sein du quartier et de la communauté dominicaine ; elles sont exposées aux violences verbales et physiques et vivent dans un environnement d’insécurité permanente.