L’étude Prost Cost, menée par le Mouvement du Nid et la société Psytel (qui avait précédemment établi le coùt des violences conjugales en France), est la première du genre. Cette étude visait à renverser le mythe d’une prostitution productrice de richesse pour tenter de chiffrer son coùt économique et social pour le pays. Le système prostitutionnel coùterait donc à la France 1,6 milliard d’euros par an, dont une partie de coùts humains importants pour les personnes prostituées. Et une nouvelle fois, des données issues de travaux scientifiques établissent que la prostitution constitue bel et bien une atteinte fondamentale à l’intégrité physique et psychique.
29 postes de coùts[L’ensemble des données est consultable sur le site de l’enquête : [Prostcost.org.]] ont été identifiés (coùts directs médicaux et non médicaux, coùts des conséquences sociales directes et indirectes, coùts humains pour les personnes prostituées, coùts de l’évasion fiscale) et les calculs fondés sur une estimation du nombre des personnes prostituées en France à 37.000.
Alors que certains détracteurs ont conclu, un peu rapidement, que ces calculs présentaient les personnes prostituées comme des postes de coùt
ou des fardeaux pour la société, l’étude montre au contraire que c’est le système qui coùte cher au pays et qu’elles en sont les premières victimes ; des victimes qui n’en ramassent que les miettes.
A la lumière de ces chiffres, il est clair que persister dans le laissez faire est au final une attitude inutilement coùteuse. Il serait plus judicieux de prendre la décision d’investir l’argent nécessaire dans les actions de prévention. La dépense initiale, dévolue au développement d’alternatives à la prostitution, à la répression du proxénétisme et au découragement de la demande des « clients », permettrait alors d’économiser à moyen terme une partie du budget de l’Etat.
Plusieurs enseignements majeurs sont à tirer de cette étude.
– Tout ce que le Mouvement du Nid a accumulé comme connaissance empirique en 80 ans de travail de terrain, est ici confirmé et pour la première fois chiffré. D’abord l’immense préjudice subi par les personnes prostituées : six fois plus exposées au viol, sept fois plus au risque de suicide ; touchées par une surconsommation d’alcool, de drogues et de médicaments, par de multiples violences physiques et psychologiques et par une importante surmortalité. Encore ces chiffres sont-ils établis a minima, l’association les estimant en réalité plus élevés.
– L’étude aborde de front la dimension économique du système prostitueur. Car, faut-il le rappeler, ce dernier est avant tout une affaire d’argent. De toutes les violences faites aux femmes, de toutes les expressions du sexisme et du patriarcat, celle-ci est la seule qui soit motivée par le profit. C’est bien en raison de la demande des clients prostitueurs, une minorité d’hommes qui dépensent 3,2 milliards d’euros par an, que les proxénètes et les trafiquants se livrent à grande échelle à la traite des êtres humains, à la tromperie et à la violence. Ces derniers dégagent ainsi un bénéfice de 1,4 milliard empoché sur l’exploitation de la misère. Loin de rapporter, cette circulation d’argent coùte cher à la société avec 853 millions d’euros envoyés à l’étranger.
Et ce ne sont pas les personnes prostituées qui en tirent bénéfice ! Le montant exorbitant – et parfaitement erroné – de 7.300 euros par mois annoncé dans certains articles de presse comme leur gain moyen mensuel repose sur une confusion entre chiffre d’affaires (3,2 milliards d’euros au total, obtenu en multipliant le prix d’une passe par leur nombre), et revenu des personnes… Sur cette somme, près de la moitié (46 %) est envoyé à l’étranger via les réseaux et le blanchiment ; et le racket généralisé subi par les personnes prostituées en efface la plus grande partie : argent remis aux proxénètes, services divers loués au prix fort (chambres, annonces sur Internet, etc). En réalité, l’immense majorité d’entre elles – le Mouvement du Nid est bien placé pour le savoir – sortent de la prostitution sans un sou, ou même endettées.
– Enfin, l’étude permet d’établir des comparaisons inédites. En France, pays qui prétend lutter contre les réseaux de proxénétisme, l’ensemble des forces de police s’élève à 100 personnes et dispose à cet effet d’un budget de 6 millions d’euros. Face au milliard et demi gagné par les exploiteurs, c’est le combat de David contre Goliath.
De même, les 2,4 millions de dépense sociale en faveur des personnes prostituées chaque année sont une brindille (65 € par an et par personne !) comparés aux 311 millions de coùt humain que représente la violence prostitutionnelle.