Grégoire Théry : « Partout, les plus vulnérables font les frais de la prostitution »

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Le premier congrès international pour l’abolition de la prostitution est organisé aujourd’hui. Une occasion, souligne Grégoire Théry, secrétaire général du Mouvement du Nid, de donner la parole à d’anciennes prostituées qui ont toutes en commun d’appartenir aux groupes sociaux les plus discriminés.

Elles viennent d’Inde, du Canada ou encore d’Irlande. Et toutes ont en commun d’avoir réussi à sortir de l’engrenage de la prostitution. Ces « survivantes », comme elles se nomment, témoigneront lors du premier congrès international pour l’abolition du système prostitutionnel, organisé aujourd’hui par le Mouvement du nid et la fondation Scelles, sous l’égide du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Une manière, selon Grégoire Théry, secrétaire général du Nid, de montrer que l’idée abolitionniste gagne du terrain partout dans le monde.

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Quels points communs relevez-vous dans les systèmes prostitutionnels des différents pays que vous accueillez?

Grégoire Théry : Premier point commun : partout dans le monde, ce sont les groupes les plus vulnérables qui sont surreprésentés dans la prostitution. Au Canada, il s’agit des « autochtones », c’est-à-dire des femmes amérindiennes ; en Inde, ce sont celles issues des plus basses castes et des tribus isolées dites « des notifiés » ; en Europe, ce sont les migrantes… Partout, il suffit de regarder qui sont les plus fragiles pour savoir qui fait les frais de la prostitution. Le deuxième point commun qui ressortira de notre colloque est l’émergence, dans nombre de pays, de mouvements de « survivantes de la prostitution ». Cela a démarré en Amérique du Nord, avec ces femmes qui s’en sont sorties et qui décident de se mobiliser dans la sphère publique pour dénoncer cette violence sexuelle, le silence qui entoure cette forme d’exploitation et l’impunité des clients. Le même genre de voix singulières s’est élevé en Irlande, au Danemark, en Inde… En France, les initiatives de ce genre sont plus récentes. Même si Laurence Noëlle et Rosen Hicher – avec sa marche de 800 km pour l’abolition – ont commencé à libérer la parole publique sur le sujet.

L’idée abolitionniste est-elle mieux partagée dans le monde ?

Grégoire Théry : Ce colloque est enthousiasmant sur ce point. Depuis quelques années, on arrive à mettre en relation des associations de divers pays qui poursuivent les mêmes objectifs – soutenir les personnes prostituées – et pensent la même chose sur les politiques publiques à mettre en place : arrêter de pénaliser les personnes prostituées pour pénaliser le client, offrir une prise en charge sociale aux victimes, renforcer la lutte contre le proxénétisme. Certains pays sont dans des dynamiques très proches de celle de la France. En Irlande, les associations discutent avec le gouvernement d’une potentielle réforme de la législation un peu équivalente à la nôtre. Le Canada a adopté il y a deux jours la dernière version de son projet de loi, qui, à peu de chose près, a le même contenu que la proposition de loi examinée ici. Il y a deux semaines, l’Irlande du Nord a adopté une législation équivalente en première lecture. Israël a également déposé une proposition de loi fin 2013… Il y a véritablement un mouvement.

Justement, en France, la proposition de loi, votée il y a un an à l’Assemblée, attend toujours d’être inscrite à l’ordre du jour du Sénat. Pourquoi une telle lenteur ?

Grégoire Théry : Ce n’est qu’une proposition de loi portée par des parlementaires et non pas un projet de loi du gouvernement. Or les créneaux d’initiative des sénateurs sont extrêmement rares – une journée et demie entre novembre et décembre ! Cela dit, j’ai bon espoir. Le président de la commission spéciale du Sénat est déterminé à ce que ce texte soit examiné. On l’espère pour décembre 2014 ou début 2015. Matignon nous a, par ailleurs, donné la garantie orale qu’il se chargerait d’inscrire lui-même le texte si d’aventure le Sénat ne le faisait pas avant le premier semestre 2015. Espérons qu’on n’en viendra pas là. Plus d’un an et demi pour obtenir une première lecture, ce ne serait pas bon signe pour l’avenir de ce texte. La France ne doit pas le prendre à la légère. Elle est attendue sur le sujet. En décembre 2013, nos partenaires étrangers ont vu le texte adopté largement à l’Assemblée et, depuis, plus rien. C’est assez incompréhensible pour eux…

Une coalition pour l’abolition. Depuis plus d’un an, 
le Mouvement du nid 
a lancé un projet 
de coalition pour l’abolition 
de la prostitution (CAP) qui rassemble, dans différents pays au monde, des associations également abolitionnistes, venues 
de Russie, du Canada, 
de l’Inde, du Danemark, 
de l’Irlande ou encore 
des États-Unis. La première assemblée générale 
de ce jeune mouvement se déroulera jeudi et vendredi prochains, à Paris.