« Clients » de mineurs, la tentation de la relaxe (màj)

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Va-t-on s’arranger, une nouvelle fois, pour ne pas appliquer la loi ou ne l’appliquer qu’à moitié ? Une relaxe partielle a été requise le 8 octobre 2015 contre les 18 « clients » jugés à Bordeaux pour corruption de mineurs et recours à la prostitution d’un mineur de moins de 15 ans ou de plus de 15 ans. La gravité des faits, passible de 3 ans à 7 ans d’emprisonnement, semble peser bien peu face à l’âge apparent des jeunes Bulgares… Le jugement a été mis en délibéré.

Une relaxe partielle a été demandée contre les 18 prévenus jugés devant le tribunal de Bordeaux pour avoir sollicité les «services» de mineurs Roms prostitués. Et pour quelle raison ? Parce que la maturité physique de certains de ces adolescents avait pu tromper leurs « clients » sur leur âge réel. Le même refrain avait été entonné lors du procès de Ribery et Benzéma, les footballeurs coupables d’avoir payé la jeune Zahia, leur permettant de sortir blancs comme neige du tribunal. Heureusement, des peines d’emprisonnement ont aussi été requises, le délit de recours à la prostitution de mineurs étant en l’espèce constitué.

Une nouvelle fois, une partie du débat ne porte pas sur les faits mais sur les états d’âme des prévenus. Il est entendu que ces hommes n’ont pas à faire preuve du moindre sens des responsabilités, de la moindre précaution ; que leurs pulsions sont excusables… Les fautifs, les fautives sont au final les jeunes prostitués qui n’ont qu’à faire leur âge s’ils veulent voir la loi respectée.

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Les faits remontent à 2009 et 2010, avec la découverte, sur les trottoirs de Bordeaux, d’un réseau de mineurs Roms de 13 à 17 ans dirigé par leurs propres parents. Des hommes de tous âges, comme ceux qui ont été interpellés (36 à 74 ans) et de tous horizons – chef d’entreprise, artisan, concierge, cadre de banque, ouvrier agricole, peintre en bâtiment, coiffeur, retraité, bénéficiaire de l’allocation adulte handicapé, etc. – ont donc profité de l’aubaine ; certains étant déjà connus de la justice pour détention et diffusion d’images pédopornographiques. Devant le tribunal, ces hommes énoncent sans rougir toutes sortes de motivations, parmi lesquelles le souci humanitaire qui les aurait conduit à fournir à ces jeunes Bulgares ou à leur famille des vêtements et de la nourriture…

A l’heure où le Sénat s’apprête à examiner en seconde lecture la proposition de loi qui prévoit entre autres la pénalisation des clients dans leur ensemble, ce procès donne à réfléchir. En s’arrêtant à mi chemin, la loi de 2002 pénalisant les seuls clients de mineurEs est rarement appliquée. Les procès, rares, sont détournés, quand ils existent, en débats sans fin sur l’âge apparent des victimes. On voit donc l’urgence d’édicter enfin une loi claire, lisible et applicable.

« Clients » de mineurs : l’indulgence des juges

Des peines s’échelonnant de 3 mois à 2 ans avec sursis, une seule peine de prison ferme (15 mois)… Tel est le verdict tombé le 27 octobre 2015 à Bordeaux, contre les 18 « clients » de mineurs bulgares.

On peut s’étonner (ou pas) de tant de mansuétude alors que le délit de prostitution de mineurs a bien été retenu. Une nouvelle fois, plus que la vérité des faits, c’est leur interprétation par les prévenus qui semble avoir prévalu. Cette relative impunité, pour la majorité d’entre eux, envoie un signal bien peu dissuasif. Quelles victimes mineures oseront-elles porter plainte s’il suffit à l’accusé de dire qu’il ne savait pas, que la victime ne faisait pas son âge ou qu’elle n’avait pas l’air de prendre ce qu’elle faisait pour de la prostitution ?

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.