La délégation de Loire-Atlantique est surtout connue à Nantes pour l’accompagnement des femmes en parcours de sortie. Mais son activité et globale et pleine de projets !
« A Nantes, le paysage de la prostitution de rue n’a pas beaucoup changé depuis la loi de 2016 », explique Lénaig, bénévole à la délégation. « Suite au covid, les femmes sont revenues dans la rue, même si elles sont un peu moins nombreuses : femmes nigérianes arrivées par les réseaux de traite, femmes de l’Est européen par des réseaux plus petits ».
Pour le moment, « l’accompagnement concerne essentiellement des femmes nigérianes. Les femmes de l’Est, liées par une forme de proxénétisme familial se tournent davantage vers les associations de réduction des risques. » Les Françaises ? « On est contactées directement par certaines d’entre elles. »
La délégation de Loire-Atlantique ne fait plus de rencontres sur le terrain : la délégation est suffisamment sollicitée par ailleurs : « Nous sommes très bien identifiés à Nantes et nos partenaires nous envoient des personnes. »
« Les samedis du Nid » à Nantes
Avant, les permanences se faisaient sur rendez-vous. Aujourd’hui, explique Lenaïg, « Nous avons fondé « Les samedis du Nid », une permanence de deux heures tous les quinze jours, annoncée sur Whatsapp. Cette rencontre au local est principalement fondée sur la convivialité et dynamise les bénévoles. Les femmes accompagnées apprécient beaucoup…»
L’accompagnement a pour but d’amener les femmes vers le droit commun. En lien avec la salariée, les bénévoles vont avec elles aux rendez-vous médicaux, à Pôle emploi, dans les services sociaux, etc. Ce n’est pas tout. « De façon à répondre à leurs demandes, nous organisons des sorties à la plage avec des trajets en bus à 2 € et l’une d’entre nous les accompagne à des avant-premières au cinéma. Nous les accompagnons vers des associations de couture ou de cuisine, par exemple à La Cocotte Solidaire, une cantine de quartier participative qui propose des repas conviviaux. On a aussi des projets d’accompagnement culturel avec Cultures du Coeur. En gros, il s’agit de les accompagner vers la vraie vie. »
Les bénévoles ont en effet découvert à quel point les femmes ont besoin de voir leur monde s’agrandir : « Nos locaux sont situés en face du fameux Eléphant[[12 mètres de haut, 50 tonnes d’acier et de bois, Structure mobile en hommage à Jules Verne qui a habité Nantes. On peut faire une balade à son bord.]], très connu à Nantes. Or, les femmes que nous recevons n’y sont jamais allées. Leur parcours quotidien est terriblement limité… »
Créer du lien, voilà un des objectifs majeurs. Les atelie
rs de français y participent. « Animés en binômes, pour des groupes de 4 ou 5 femmes, ils marchent bien. Et elles ont plaisir à partager un café après. »
L’un des piliers de l’activité est évidemment la mise en place des parcours de sortie de prostitution (PSP). La délégation du Mouvement du Nid est la seule agréée dans le département avec une travailleuse sociale spécialement dédiée (la mission locale (ATDEC) a fait à son tour une demande d’agrément). Une quinzaine de parcours sont actuellement en cours. « Nous avons de bonnes relations avec la DDFE qui porte bien le projet mais les financements de l’État restent très insuffisants malgré la création du poste dédié aux PSP. »
Parcours de Sortie, des dossiers solides
La délégation est la référence pour l’accompagnement des PSP, ses dossiers, sérieux et étayés, sont parfaitement préparés. Elle est parvenue à mettre en place des pré-commissions pour organiser des rendez-vous en amont sur les questions sensibles… « Le point majeur de blocage dans ces dossiers est le certificat de nationalité. Il est très difficile de l’obtenir et les pourparlers avec le consulat nigérian peuvent prendre des mois. Quand ils ne sont pas fournis, la préfecture oppose un refus. » Autre point noir, les solutions d’hébergement : « Des femmes en PSP sont toujours au 115. Il faut trouver des solutions et c’est compliqué.»
La délégation verse une petite allocation de survie pendant les trois mois de préparation du dossier. Elle a également obtenu des consultations de psychologie financées par le Conseil régional.
Au total, depuis 2018, la délégation a pu accompagner une trentaine de femmes en PSP.
« C’est peu pour une ville comme la nôtre. Ce sont des dossiers complexes et nous avons du réduire la voilure ». La simplification des dossiers de PSP demandée nationalement par le Mouvement du Nid prend ici tout son sens.
Un manque de moyens criant
Les bénévoles interviennent aussi en sensibilisation. Le procès fictif sur la prostitution des mineur.es a attiré des acteurs sociaux « très démunis sur le sujet » et obtenu un grand succès. En 2022, Hema Sibi est également venue présenter l’étude de CAP international Last Girl First, la prostitution à l’intersection des oppressions sexiste, raciste et de classe, qui a marqué les esprits.
Le 25 novembre 2022, lors des Assises contre les violences faites aux femmes, la délégation a pu tenir un stand pendant les deux jours et rencontrer de nombreuses personnalités, notamment politiques.
La vie d’une délégation est un combat, et le manque de moyens un casse-tête permanent. « Il faudrait 80.000 € pour faire du bon travail ! ». Soit multiplier par 3 le budget de l’équipe locale…L’équipe a en tête de très nombreux projets : élargir l’action en milieu rural, ou monter en puissance pour les actions de prévention et de formation « sans quoi les PSP reviennent à vider la mer à la petite cuillère… ».
La visibilité des associations favorables au « travail du sexe » localement est un sujet de préoccupation, notamment parce que les bénévoles abolitionnistes sont parfois victimes d’attaques ou d’insultes lors des événements publics.
Quant au volet de la loi 2016 sur la pénalisation des « clients », il n’est tout simplement pas appliqué. « La police mise tout sur la lutte contre le proxénétisme. Elle ne voit les clients que comme des indics éventuels ».
L’énergie déployée par toute l’équipe de Nantes, avec les moyens du bord, est colossale et contagieuse. Avec la transformation du bénévolat (autrefois une majorité de personnes retraitées qui avaient beaucoup de temps, et le turnover, important comme partout), et le travail en lien avec la salariée depuis le PSP, c’est une nouvelle forme d’action qui se développe. « Aujourd’hui, l’équipe se renouvelle explique Lénaïg,avec beaucoup de jeunes femmes compétentes et motivées ». Une équipe, pleine de promesses d’avenir !