Abolir la virilité. Deux essais sortis ces derniers mois analysent avec lucidité et intelligence le coût que fait peser une idéologie viriliste. Les autrices sont nos invitées pour le premier « lundi de Prostitution et Société » de 2022, le 21 mars.
Céline Piques, ancienne présidente d’Osez le féminisme!, dont elle est toujours membre du conseil d’administration, livre dans «Déviriliser le monde» une analyse implacable de l’idéologie viriliste qui régit notre société. Cette idéologie, qui affirme la suprémacie de valeurs de domination et de hiérarchie entre les sexes, accolées au masculin, impose à une moitié de la population, les femmes, une dépendance à l’autre. Celle-ci est imposée par la violence à tous les niveaux : violences éducatives, conjugales, prostitution- nelles et pornocriminelles.
La dépendance est aussi économique. Les femmes dépendent des hommes dans le couple, et ceux-ci font en sorte de les maintenir sous leur coupe. Et lorsqu’elles veulent s’en affranchir, elles sont soumises au double risque de violence et de paupérisation.
C’est lorsqu’elles les quittent, qu’elles sont le plus en danger dans le couple ; c’est lorsqu’elles refusent la violence prostitutionnelles qu’elles risquent d’être tuées par le proxénète ou « client ». Et quand elles ne sont pas violentées, elles sont paupérisées. Les femmes, nous explique Céline Piques, perdent 25 % de leurs revenus lors- qu’elles se retrouvent mères isolées. Les hommes eux, ne perdent quasi rien.
Enfin, l’autrice analyse l’appropriation historique du corps des femmes par les hommes, meilleur moyen de les empêcher de s’émanciper. Comment changer la donne, quand l’institution fait tout pour verrouiller la situation, jusque dans le calcul des impôts sur le revenu, des allocations familiales, et dans le calcul de la richesse nationale ? Quand les institutions judiciaire, policière, ne protègent pas les femmes victimes de violences ou d’extorsion ?
Céline Piques fait des propositions pour une politique féministe : application de la loi contre le système prostitutionnel, fin de l’impunité du système pornocriminel, individualisation du calcul de toutes les prestations sociales et impôts, etc. Elle encourage une autre vision du monde, inspirée d’un éco-féminisme non essentialiste. Déviriliser le monde, c’est aussi le re-féminiser, sans que cette féminisation ne s’apparente en quoi que ce soit à un état de « nature ».
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Le coût de la virilité
Dans «le coût de la virilité», Lucile Peytavin ne dit pas autre chose. Son analyse est simple et lumineuse : comment se fait-il que dans notre société, on ne s’attaque jamais, pour y mettre fin, au principal déterminant de la violence ? En effet, s’il y a un point commun à tous les types de violences… c’est que les hommes en sont ultra-majoritairement les auteurs ! Ainsi, que ce soient les violeurs, les prostitueurs, les voleurs, les braqueurs, les proxénètes, les auteurs de coups et blessures… les chiffres vont de 70 à 100% d’hommes.
L’autrice écarte rapidement la thèse essentialiste : la violence ne s’explique pas par la nature masculine ! Au contraire, on peut parler d’une acculturation des hommes à la violence. Alors que les femmes sont, elles acculturées au soin, à l’attention aux autres.
La violence perpétrée par les femmes est marginale et pourtant on n’en tire pas les conséquences… La société ayant en général besoin qu’on touche au portefeuille pour se préoccuper d’une question, l’historienne a donc décidé de calculer… le coût de la virilité. En se limitant aux principales violences commises par les hommes, elle atteint déjà 95 milliards d’euros de coût pour la société. Et si on investissait cet argent à féminiser un peu notre monde ? À éduquer les garçons comme on éduque les filles, à faire attention aux autres, à réparer notre monde, pour faire en sorte que cela devienne la nouvelle norme de nos sociétés ?
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