Pendant la crise sanitaire, la délégation des Hauts-de-France a réalisé 240 rencontres auprès de 131 femmes particulièrement vulnérables, majoritairement nigérianes. Grâce à la Fondation des Femmes, elle a notamment pu héberger deux femmes à l’hôtel pendant 3 mois. Le lien s’est renforcé. Bernard Lemettre, responsable de la délégation, en témoigne.
« Au final, le désastre aura aussi eu des conséquences positives. Certains nous trouvaient casse-cou d’aller au contact pendant le confinement (depuis notre voiture, par la vitre, en respectant les distances). Et pourtant, en répondant à l’urgence, nous avons mis en place, sans nous en rendre compte, de nouvelles procédures. La confiance a grandi, les liens sont devenus plus forts. Des femmes ont même fini par nous parler de choses dont elles n’avaient jamais rien dit ; nous avons ainsi découvert des faits de proxénétisme sur des femmes congolaises qui nous ont raconté comment elles « n’ont pas de proxénètes » mais payent des hommes qui facilitent leur prostitution…
Nous organisons désormais des entretiens d’une heure avec chacune, à raison de quatre par jour. Avec toutes les précautions, évidemment : masques, distances, nettoyage… Ces entretiens s’avèrent ouvrir de nouvelles possibilités de parole, au delà de nos rencontres habituelles, qui sont souvent consacrées à la préparation des entretiens à la CNDA, et des traditionnelles permanences du mardi. Cette habitude s’est mise en place sans que nous mesurions vraiment ce qu’elle permettrait. Nous mettrons le temps qu’il faudra à réaliser tous les entretiens. C’est 230 heures à prévoir, en partant sur une vingtaine par semaine.
Par ailleurs, nous suivons les démarches de sortie de prostitution engagées par un bon nombre d’entre elles. Depuis novembre 2018, le préfet n’avait organisé aucune réunion de la Commission Départementale. La situation l’a obligé à la relancer ce 24 juin. Nous avions déjà deux personnes en parcours de sortie, avec un bon dossier : en danger du fait de la proximité de leurs proxénètes, elles ont porté plainte et sont en train d’être hébergées dans le dispositif Acsé. Nous allons en présenter maintenant deux autres, dont une femme congolaise qui vient seulement pour la première fois de parler de sa prostitution, dans le cadre de ces entretiens d’une heure. Nous allons boucler son dossier en un temps record.
Pour le reste, les questions à régler restent nombreuses. La question des mineures est plus présente que jamais. Nous venons d’être contactés pour une jeune fille de 14 ans dont le parcours résume tout le processus habituel : elle a subi des viols, a fugué avec une copine, est allée à un rendez-vous que cette dernière lui avait fixé, n’a trouvé à sa place qu’un jeune type qui l’a emmenée dans un hôtel, lui a montré des photos dénudées avant de l’embarquer dans la prostitution. La jeune fille a vécu le confinement avec sa mère, ce qui a heureusement renforcé leurs liens, mais elle a à nouveau fugué. Nous avons adressé des courriers à la mairie et au Conseil Régional pour alerter sur la situation ».