Contre les approximations, voire les caricatures, forgez-vous plutôt une opinion avec tous les éléments en main!
– 1 Vous voulez définir une bonne et une mauvaise sexualité. Vous êtes des puritains. Vous êtes des anti-sexe
FAUX
Les abolitionnistes mènent un combat pour la libération sexuelle :
une sexualité libérée de l’ordre moral, des rapports de domination et de l’emprise du marché.
Payer pour obtenir un rapport sexuel, revient à l’imposer par l’argent. Si les associations féministes soutiennent l’abolition du système prostitueur, c’est bien parce qu’elle s’inscrit dans la continuité du combat des femmes contre le droit de cuissage, contre le viol, le viol conjugal et le harcèlement sexuel. C’est à dire dans le combat contre la mise à disposition du corps des femmes au profit du « plaisir » masculin.
Oserait-on accuser les féministes d’avoir fait bannir les rapports de force du champ de la sexualité en condamnant le viol au prétexte que cela aurait porté atteinte à la liberté sexuelle des violeurs ? Pourquoi refuser d’admettre qu’un acte sexuel imposé par l’argent est aux antipodes de la liberté sexuelle ? Nous revendiquons le droit à disposer de notre propre corps et non le droit à disposer du corps de l’autre.
Enfin, l’achat d’un acte sexuel est la négation même du désir de l’autre. Est-ce compatible avec une sexualité libérée ?
– 2 Vous refusez de prendre en compte le consentement de celles et ceux qui choisissent de se prostituer.
FAUX
Nos associations rencontrent et soutiennent tout au long de l’année des personnes qui restent dans la prostitution, et parfois le revendiquent. Mais l’addition de consentements individuels ne suffit pas à faire un projet de société. Surtout, si celui-ci vise à protéger les plus vulnérables.
Certains consentent à travailler pour moins que le SMIC. Cela n’empêche pas la société de condamner légitimement tout employeur qui paierait un salarié moins que le SMIC.
Certains consentent à se séparer d’un organe pour vivre ou survivre. Cela n’empêche pas la société de condamner légitimement toute personne qui tenterait d’acheter un organe à autrui.
Certains consentent à se prostituer ? Cela ne doit pas empêcher la société d’interdire tout achat d’un acte sexuel.
Car sans loi, dans ces trois situations, ce seront toujours les plus vulnérables qui en seront réduits à accepter un salaire inférieur au SMIC, à se séparer d’un organe, ou à sacrifier leur intimité et leur sexualité pour vivre, mieux vivre ou survivre.
La féministe Geneviève Fraisse rappelle d’ ailleurs très pertinemment que le spectre du consentement va de « adhérer à » jusque « se résigner à ».
– 3 Abolir le système prostitueur, c’est une utopie !
FAUX
Abolir ne signifie pas éradiquer. L’abolition de l’esclavage n’a pas conduit à son éradication. Par contre, l’abolition a engagé l’Etat et toute la société aux côtés des esclaves et contre le système esclavagiste. L’abolition du système prostitueur, c’est un nouveau consensus social, un choix de société, une qualification de la violence prostitutionnellle qui permet ensuite et ENFIN d’adopter une série de mesures inscrites dans le cadre d’une politique globale et cohérente.
– 4
Vous voulez condamner les clients en plus des personnes prostituées.
Vous voulez interdire la prostitution!
FAUX
La première exigence des abolitionnistes est de supprimer le délit de racolage et toute mesure répressive à l’encontre des personnes prostituées. Nous exigeons l’inversion de la charge pénale. Nous n’accepterons pas de loi qui interdirait l’achat d’un acte sexuel sans supprimer préalablement la répression à l’encontre des personnes prostituées.
L’abolition n’a rien à voir avec l’interdiction de la prostitution. En effet, l’interdiction de la prostitution ne change rien à la société. Elle ne qualifie ni la violence, ni l’obstacle à l’égalité, ni l’atteinte à la dignité. Elle ne situe pas la responsabilité morale et pénale des clients prostitueurs car tous les acteurs sont condamnés au même titre. Elle ne permet ni politique de prévention, ni d’alternatives.
A l’inverse, l’abolition de la prostitution permet de qualifier et situer la violence de la prostitution. Elle permet d’expliquer ce qui, dans la prostitution, est incompatible avec un projet de société progressiste.
– 5 Le « modèle suédois » est un échec. Pénaliser le client accroît la clandestinité et la vulnérabilité des personnes prostituéEs. La pénalisation des clients accroît la mainmise des proxénètes sur les personnes prostituées.
FAUX
- Dans un cadre institutionnel qui reconnaît et condamne la violence, comme la Suède,
prostitution cachée
ne signifie pasprostituée vulnérable
Le modèle suédois a supprimé la répression à l’encontre des personnes prostituées pour ne l’appliquer qu’aux clients prostitueurs et aux proxénètes. Les personnes prostituées bénéficient donc d’un statut de personnes à protéger
car victimes d’un système de violence sexuelle.
Contrairement à la situation dans d’autres pays dont la France, les policiers, magistrats et travailleurs sociaux suédois sont formés à les soutenir, à écouter leur parole et recevoir leurs plaintes. Le cadre institutionnel, parce qu’il qualifie et condamne la violence prostitutionnelle, offre donc une garantie de protection à toute personne prostituée qui le désire.
En conséquence, la personne prostituée, qui demeure dans la prostitution et qui choisit de l’exercer de façon cachée pour permettre à ses clients de ne pas être condamnée, peut à tout moment se rapprocher des pouvoirs publics pour être soutenue. A l’inverse, les personnes prostituées « visibles » dans les bordels hollandais dont les proxénètes sont des entrepreneurs reconnus, ne peuvent que très difficilement s’extraire d’un système où elles sont présumées consentantes (pourquoi se plaindre alors ?) et où leurs proxénètes sont des employeurs comme les autres.
- Qui peut nous faire croire qu’un Etat qui ne considère pas la prostitution comme une violence va mettre en place de véritables alternatives à la prostitution et des mesures de protection pour les personnes prostituées ?
Si la prostitution est un métier comme un autre, si l’achat d’un acte sexuel n’est pas une violence, alors pourquoi proposer des alternatives à la prostitution et des mesures de protection pour les personnes prostituées ? L’interdiction de tout achat d’un acte sexuel n’est qu’une mesure parmi d’autres mais elle est indispensable car elle qualifie et situe la violence prostitutionnelle et donc légitime les politiques d’alternatives, de protection et de prévention.
- Enfin, la pénalisation des clients demeure la meilleure arme pour lutter contre le proxénétisme dont la seule motivation est de gagner de l’argent
Les proxénètes ne recherchent pas le crime pour le crime, mais le crime pour l’argent. Attaquer la demande de prostitution a un effet immédiat sur les profits des proxénètes. Les écoutes téléphoniques de la police suédoise le montre sans ambiguïté : les réseaux internationaux de proxénétisme se détournent de la Suède car l’investissement y est moins rentable que dans d’autres pays.