Refonte des politiques publiques en matière de prostitution : Un an après, une loi qui devient réalité ! Le 6 avril 2016, l’Assemblée nationale adoptait la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Cette loi historique comporte 23 articles, modifie 9 codes législatifs et refonde ainsi, comme jamais depuis 1946, l’ensemble des politiques publiques françaises en matière de prostitution.
Alors que de nombreuses lois ne sont jamais mises en œuvre, faute de publication de leurs décrets d’application, le collectif Abolition 2012 salue la détermination des quatre ministères qui, en moins d’un an, ont publié quatre décrets d’application (sur cinq) et deux circulaires.
Nos 62 associations se félicitent par ailleurs de la mise en œuvre effective, dès le lendemain de la loi, de l’inversion de la charge pénale des personnes prostituées vers les clients de la prostitution. Alors que chaque année, plus de 1500 personnes prostituées étaient arrêtées au titre du délit de racolage, plus aucune personne prostituée n’a été interpellée pour ce motif après le 14 avril 2016.
Notre collectif concentre à présent ses efforts sur la mise en place effective des commissions départementales et des parcours de sortie de la prostitution, permettant le déclenchement des nouveaux droits créés par la loi :
- Accès à une allocation financière d’insertion sociale et professionnelle pour les personnes ne bénéficiant d’aucun minima social ;
- Accès à la remise grâcieuse des dettes fiscales ;
- Ouverture des places d’hébergement dans les CHRS et accès prioritaire au logement social.
Alors que la France compte environ 37 000 personnes prostituées et victimes de la traite des êtres humains, nous rappelons que le succès des parcours de sortie de la prostitution nécessite une augmentation conséquente des financements attribués aux associations de terrain venant en aide aux personnes prostituées et les accompagnant dans leurs démarches de sortie.
Bilan des mesures d’application immédiate
Dès le 18 avril 2016, le Ministre de la Justice a adressé à tous les procureurs et aux services de police une circulaire rappelant que plus aucune personne prostituée ne pouvait être arrêtée, conduite au commissariat ou condamnée au titre du délit de racolage. Pour la première fois depuis 1939, les personnes prostituées ne peuvent donc plus être réprimées pour leur activité. Le collectif Abolition 2012 déplore cependant que certains maires maintiennent une forme de répression des personnes prostituées à travers des arrêtés municipaux anti-prostitution. Nos associations entameront des procédures judiciaires pour garantir que ces arrêtés soient annulés ou tournés exclusivement à l’encontre des clients de la prostitution, et non des personnes prostituées.
Contrairement à ce que les opposants idéologiques à la loi laissaient entendre, les policiers et magistrats français n’ont rencontré aucune difficulté technique pour sanctionner l’achat d’actes sexuels. Les premiers acheteurs de sexe ont été interpellés seulement quelques semaines après l’adoption de la loi. Un an après son adoption, 804 d’entre eux ont été interpellés. Dans l’écrasante majorité des cas, les acheteurs de sexe ont reconnu les faits et payé une amende dans le cadre d’une composition pénale. Rendus applicables par un décret du 14 décembre 2016, les stages de responsabilisation des acheteurs de sexe, sont en train d’être mis en place.
La loi du 13 avril 2016 a créé une circonstance aggravante pour les violences physiques et sexuelles commises à l’encontre des personnes prostituées. Cette disposition a déjà été utilisée dans plusieurs procès et a permis de sanctionner plus lourdement les violences commises à l’encontre des personnes prostituées. Combinée à l’abrogation du délit de racolage, cette mesure rappelle aux services de police et aux magistrats que les personnes prostituées sont d’abord des victimes de violences et non des délinquantes.
La nouvelle loi permet aux préfets d’octroyer un titre de séjour aux victimes du proxénétisme et de la traite des êtres humains, même si elles ne peuvent ou ne veulent dénoncer leurs proxénètes. Mais elle rend aussi automatique l’octroi d’un titre de séjour lorsque les personnes ont coopéré avec les services de police ou de justice. Cette seconde disposition est applicable depuis le 28 octobre 2016. Nous n’avons pas encore de chiffres relatifs à son application.