Le 16 juin, la cour d’Appel de Douai a condamné au civil Dominique Strauss-Kahn et sept autres mis en cause à indemniser le Mouvement du Nid à hauteur de 20000 euros au titre de son préjudice moral, et 2000 euros au titre du préjudice matériel.
Notre association se réjouit de cette décision qui rectifie le sentiment d’impunité laissé par les multiples relaxes prononcées par le tribunal correctionnel en premier ressort et épingle la responsabilité de huit personnes qui ont profité à divers titres de la prostitution d’autrui.
Le Mouvement du Nid se félicite que la Cour d’Appel a considéré qu’un « client » (à savoir Dominique Strauss-Kahn) participe pleinement au système prostitutionnel. Fait notable et très satisfaisant, les juges du siège ont considéré que le recours à la prostitution d’autrui était en soi une réification des femmes. La Cour a su saisir les rouages du système prostitutionnel en ne cachant pas sa nature inégalitaire, fondée sur un rapport de domination
, a analysé Lorraine Questiaux, responsable de la mission juridique du Mouvement du Nid. La Cour a en effet reconnu que si un silence certain était maintenu sur [la] qualité de prostituées [des femmes] participant aux soirées où Dominique Strauss Kahn était lui-même présent, il n’en demeure pas moins que ce dernier avait une parfaite connaissance de la présence de professionnelles, ses exigences sexuelles orientées vers des rapports de domination où la femme n’était qu’un objet sexuel, pratiques qui ne relèvent pas des rencontres libertines ou échangistes, ne pouvant être satisfaites que par des femmes qui acceptent de se prostituer et dont le consentement est donc acquis moyennant une rémunération
.
La condamnation a été prononcée à l’encontre de huit mis en cause : Anne-Sophie Alson, races Henrion, René Kojfer, Fabrice Paszkowski, Emmanuel Riglaire, David Roquet, Dominique Strauss-Kahn, Antoine Tran Van Thanh.
Contact presse :
Lorraine Questiaux
Isabelle Thieuleux
Retour sur le procès au Tribunal correction de Lille, en 2015
Le procès dit « du Carlton » , en février 2015, avait permis la comparution de quatorze prévenus, dont Dominique Strauss Kahn, ancien directeur du FMI, accusé de proxénétisme aggravé. Le Mouvement du Nid s’était constitué partie civile et accompagnait quatre des jeunes femmes venues témoigner.
Nous entendions saisir cette occasion pour mettre en lumière, loin du libertinage
invoqué par la défense, la gravité des faits. Parce nous accueillons quotidiennement des personnes prostituées – y compris des « escortes » – nous connaissons l’étendue des dégâts qu’elles subissent au plan physique et psychique : traumatismes, dépressions, sexualité détruite, tentatives de suicide…
Tout au long du procès, les jeunes femmes parties civiles – Jade, Mounia, et deux anonymes – ont témoigné avec un courage qui va marquer l’opinion publique. Grâce à elles, un degré supplémentaire est franchi dans la prise de conscience de l’impact de la prostitution sur l’image et le statut des femmes, et les violences endurées par les victimes. Le « Carlton » fut le procès des proxénètes mais aussi des « clients ». Il a fait exploser le mythe de la prostitution de luxe
et fait connaître l’essentiel des réalités de la prostitution tout court.
En rapportant le viol collectif sur une jeune fille ivre morte ou la facilité avec laquelle un des prévenus se fait amener une mineure de 17 ans pour la tirer
, en multipliant les témoignages du racisme et de la misogynie insondables qui règnent dans ce système, le procès avait peint un système où tout est possible dès lors que règnent en maîtres l’argent, le pouvoir et l’impunité.
Ces trois semaines de procès se sont conclues, hélas, par la relaxe de la qualification de proxénétisme aggravé de treize des quatorze prévenus, un verdict qui avait suscité chez nous, nos alliés et, nous le croyons, une bonne part du grand public, un fort sentiment d’injustice. Pour les victimes, le verdict avait été perçu comme un nouvel abandon, une fin de non-recevoir face aux violences endurées.
Notre association avait alors décidé de faire appel au civil, pour ne pas rester les bras croisés devant un jugement pénal injuste pour les parties civiles. Le jugement pénal, en prononçant la relaxe, n’avait pas permis de les indemniser alors que le procès a montré de manière éclatante qu’elles avaient subi des violences, et donc un préjudice.