Après la Suède, la Norvège punit les « clients » prostitueurs

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Depuis le 1er janvier 2009, la Norvège applique une nouvelle loi qui punit les « clients » des personnes prostituées, sur le modèle de la Suède, pionnière en la matière depuis 1999.

Les prostitueurs sont désormais passibles d’une amende ou de 6 mois de prison. La peine pourra dans certains cas atteindre un an ou plus, notamment si la personne prostituée est mineure.

La loi norvégienne va même plus loin : elle prévoit aussi de punir les Norvégiens qui achèteront les services d’une personne prostituée à l’étranger.

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Une loi destinée à faire reculer la traite des êtres humains

«Nous pensons que l’achat de sexe est inacceptable et qu’il favorise le trafic d’êtres humains et la prostitution forcée», a expliqué à l’AFP la secrétaire d’Etat à la justice, Astri Aas-Hansen. «Les êtres humains ne sont pas des marchandises à vendre» avait déclaré de son côté le ministre de la justice Knut Storberget. «Nous espérons, grâce à cette loi, rendre la vie plus difficile aux trafiquants en Norvège».

L’exemple suédois a en effet montré des effets bénéfiques sur le plan de la traite, les trafiquants semblant se détourner d’un pays qui complique leur implantation et leurs « débouchés » pour se tourner vers des destinations plus « accueillantes », des pays où la prostitution est considérée comme un commerce normalisé. La Norvège se heurte en effet à l’afflux de jeunes femmes originaires des pays de l’Est européen et du Nigéria.

Une loi qui ne pénalise pas les personnes prostituées

Comme en Suède, la personne prostituée ne sera pas poursuivie, la philosophie de la loi reposant sur la mise en cause de l’exploiteur, non de la personne qu’il exploite.

Des mesures d’aide sont même prévues : formations gratuites, services d’assistance, cures de désintoxication éventuelles[[Dans un pays de 4,5 millions de personnes, les associations estiment entre 2.000 et 3.000 le nombre de prostituées – entre 700 et 1300 à Oslo (selon les sources) – dont un bon tiers travaillerait dans la rue.]]… Rappelons que la loi suédoise, modèle pour la loi norvégienne, considère la prostitution comme l’une des violences faites aux femmes, au même titre que le viol ou les violences conjugales, et comme un obstacle majeur à l’égalité hommes/femmes. Les femmes sont largement représentées au Parlement, et influent naturellement sur les choix politiques (47 % de femmes au parlement suédois, 45 % au parlement norvégien… à comparer aux 18,5 % de françaises).

Une importante portée symbolique

La Norvège peut, comme la Suède, défendre l’idée d’une portée éthique et symbolique de sa loi. Les femmes et à plus forte raison les enfants ne sont pas à vendre. Les jeunes garçons grandissent avec cet interdit, aujourd’hui largement accepté dans la société suédoise. Pendant ce temps, l’Allemagne ou les Pays-Bas les invitent depuis leur plus jeune âge à «consommer» des corps féminins, encourageant ainsi le développement de la prostitution et de la traite dont elle est inséparable.

Un risque de clandestinité ?

Comme en Suède, les groupes hostiles à la loi avancent l’argument du risque accru de clandestinité et donc d’exposition accrue à la violence pour les personnes prostituées.

On se demande alors pourquoi ils ne s’inquiètent jamais de la réelle montée de la clandestinité quand la cause en est le recours croissant au téléphone mobile et à Internet, beaucoup plus décisifs. De la même façon, on peut s’étonner qu’ils n’invoquent pas davantage cet argument pour dénoncer l’interdiction du recours à la prostitution de personnes mineures.

Modèle suédois ou modèle finlandais ?

D’autres pays ont adopté des lois que les médias présentent –un peu vite- comme similaires : par exemple la Finlande. Il n’en est rien. La Finlande a voté en 2006 une loi instituant une peine de six mois de prison pour les clients des prostituées «victimes du proxénétisme ou du trafic d’êtres humains».

Les députés n’ont pas osé aller au bout de la logique et « priver » les hommes de ce qu’ils considèrent comme un « droit » de toute éternité. Reste donc aux policiers et aux magistrats à faire la preuve que le  client était conscient de la contrainte ou des menaces pesant sur les  prostituées ! Au total, une loi confuse et parfaitement inapplicable.

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Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.