La Coordination pour un lobby européen des femmes (CLEF) et Osez le féminisme ! ont organisé, en février, à Strasbourg un grand colloque international sur l’exploitation sexuelle en ligne, auquel le Mouvement du Nid a participé.
L’objectif de ce colloque du 14 février était de dresser un état des lieux français et européen des enjeux liés à l’exploitation sexuelle en ligne, de formuler des recommandations concrètes pour renforcer les législations et de promouvoir des politiques publiques respectueuses des droits humains.
Le programme était très riche avec de nombreuses invitées prestigieuses, dont Reem Alsalem, rapporteuse de l’Onu sur les droits humains, qui a publié l’an dernier un rapport majeur sur le système prostitutionnel.
La première table ronde sur les enjeux des nouvelles technologies face aux violences sexistes et sexuelles a permis de montrer comment les technologies exacerbent les problématiques d’exploitation sexuelle. Alyssa Ahrabare, présidente de la CLEF, a souligné : « Les proxénètes utilisent les nouvelles technologies pour renforcer leur emprise. »
La journée s’est poursuivie avec une table-ronde sur les enjeux de la pornocriminalité, qui a permis de mettre en évidence le danger de la prostitution filmée pour les enfants :
Les mineur·es sont doublement exposé·es : d’un côté ils et elles sont consommateur·trices précoces d’un contenu qui façonne leur vision du rapport entre les sexes. De l’autre, ils et elles en sont aussi victimes, a notamment expliqué la présidente d’OLF, Aliénor Laurent.
L’après-midi, plusieurs personnalités se sont exprimées, dont Aurore Bergé, Ministre déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes, qui a rappelé la responsabilité des gouvernements et de l’Union européenne face aux crimes de l’industrie pornographique et à la haine des femmes qu’elle véhicule.
Associations de terrain et exploitation sexuelle en ligne
Laurence Rossignol, sénatrice et co-autrice du rapport sénatorial L’enfer du décor sur la pornographie a affirmé qu’il était vain de tenter de réguler la pédopornographie mais qu’il fallait se mobiliser pour l’interdiction de la pornographie (prostitution filmée). Et pour cela, agir pour que l’Union européenne traite de la pornographie comme d’un enjeu de santé publique et non de liberté d’entreprendre.
Ensuite, une table-ronde était consacrée aux réponses politiques et législatives à l’exploitation sexuelle en ligne. Elle était animée par Héma Sibi, directrice de CAP international, qui a souligné que « Le modèle abolitionniste émerge depuis quelques années comme la voie à suivre ».
Des représentantes de plusieurs associations de terrain, dont l’Amicale du Nid se sont exprimées. Stéphanie Caradec, directrice du Mouvement du Nid, a rappelé que le proxénétisme est aujourd’hui très majoritairement organisé en ligne et qu’il est impératif pour les associations mais aussi les gouvernements de changer de paradigme pour qu’il y ait moins de victimes.
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Elle a insisté sur le fait qu’au temps du numérique, il faut condamner les sites, les plateformes, les réseaux sociaux qui facilitent, font office d’intermédiaires et/ou tirent profit de la prostitution. Elle a souligné que les « clients » prostitueurs ne sont pas moins visibles en ligne, mais qu’on ne se donne pas les moyens de les interpeler.
La journée s’est conclue sur une discussion autour des enjeux juridiques, avec le témoignage poignant d’une des plaignantes dans l’affaire French Bukkake.
Les représentantes de l’association belge isala ont de leur côté appelé à un soutien international contre la loi belge et rendu public le recours constitutionnel qu’elles ont déposé.
Enfin, l’avocate Lorraine Questiaux, qui représente les associations et les victimes parties civiles dans les affaires French Bukkake et Jacquie et Michel, a conclu sur la nécessité de renverser la culture pornographique qui infuse sur le droit.
La délégation du Bas-Rhin du Mouvement du Nid a tenu un stand durant tout le colloque pour faire connaître l’action de l’association et ses outils.